L'affaire commence au mois de mars 1999 : à l'époque, la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes procède au contrôle de routine du dossier d'un salarié touchant des indemnités journalières (IJ) à la suite d'un accident du travail. Le contrôle met rapidement en évidence le fait que ce salarié cumule (illégalement) le RMI et les IJ, une irrégularité criante qui conduit le directeur de la CPAM, Jean-Jacques Greffeuille, à déposer une plainte.
Assez mystérieusement, l'enquête reste au point mort durant près de trois ans. « Durant ce laps de temps, indique laconiquement Jean-Jacques Greffeuille, la justice a pris du recul ; il faut dire qu'on avait perdu la trace de l'assuré fraudeur. » A Nice, certaines mauvaises langues avancent une autre explication et rappellent que, dans le dernier classement effectué par la chancellerie sur l'activité des tribunaux français, les tribunaux de grande instance (TGI) de la ville et de celle de Grasse figurent tout en bas du tableau avec des délais largement supérieurs à la moyenne nationale.
Au mois de mars 2002, l'assuré fraudeur est localisé en Corse, à Sartène. « Son audition, précise le directeur de la CPAM , a fait redémarrer l'enquête lorsque les enquêteurs ont découvert qu'il ne s'agissait pas d'une fraude isolée mais manifestement d'un réseau bien organisé. » La filière est remontée par les gendarmes de Nice.
Des sociétés fictives
Ils mettent au jour un réseau de sociétés, certaines réelles et d'autres, sans aucune existence légale, employant fictivement des salariés qui étaient opportunément victimes d'un accident du travail constaté par un médecin pour le moins peu regardant. Ces accidents du travail leur ouvraient des droits aux indemnités journalières versées en toute bonne foi par la CPAM de Nice, car les escrocs ont manifestement été aidés par un complice, salarié de la caisse, soupçonné de les avoir aidés à monter les faux dossiers. « Il semblerait, ajoute Jean-Jacques Greffeuille, que les indemnités indûment perçues aient fait l'objet d'un partage entre les faux salariés et les dirigeants de ces entreprises indélicates. » Au mois de novembre 2002, un premier coup de filet permet de mettre sous les verrous un homme soupçonné d'être le « cerveau » de l'affaire et qui agissait sous le couvert d'une entreprise d'import-export.
Vingt suspects interpellés
Son arrestation a permis à la gendarmerie d'affiner ses investigations et de lancer la semaine dernière une vaste opération, au cours de laquelle ont été interpellés une vingtaine de suspects. Parmi eux, une douzaine ont été libérés - mais pourraient être mis en examen ultérieurement - et cinq ont été mis en examen, mais laissés en liberté. Restent trois personnes sous mandat de dépôt : un homme soupçonné d'être le gérant de plusieurs des sociétés qui auraient embauché des salariés fictifs ; un médecin généraliste expert auprès des tribunaux, soupçonné d'être à l'origine des arrêts de travail frauduleux qui ont permis aux faux salariés de toucher plusieurs centaines de milliers d'euros d'indemnités journalières ; un employé de la CPAM de Nice, qui aurait été le cheval de Troie des escrocs.
Selon les enquêteurs, d'autres interpellations pourraient avoir lieu dans les prochains jours. Il semblerait par ailleurs que les escrocs ne se soient pas contentés de toucher des IJ indues : l'enquête a mis en évidence que, parallèlement, certains des faux salariés auraient contracté des prêts bancaires à la consommation assortis d'une assurance invalidité, ce qui leur auraient permis, grâce aux faux arrêts de travail, de se faire rembourser les mensualités de leurs prêts. Pour Jean-Jacques Greffeuille, « il s'agit de la plus grosse affaire de ce type qu'on ait jamais connue à Nice ». Un avis tempéré par la direction de la communication de l'échelon national de l'assurance-maladie. La CNAM rappelle qu'une « caisse primaire dépose en moyenne une plainte par mois, et que cela résulte de son activité de contrôle ». Quant au médecin suspecté, selon la direction de la communication du Conseil national de l'Ordre, il risque une interdiction d'exercer si sa responsabilité est établie dans cette affaire. Une telle mesure est prise pour trois ans, au bout desquels le médecin peut solliciter un « relèvement d'incapacité », qui n'est pas automatiquement accordé.
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