LES PERTES AUDITIVES induites par la gentamycine concernent en moyenne 8 % des patients traités par des cures courtes. Mais ce chiffre peut être plus élevé dans certains pays en développement où les aminosides sont parfois les seuls antibiotiques accessibles financièrement et où ils sont en vente libre. Cette classe thérapeutique, enfin, est incluse dans les recommandations de l'OMS au nombre des antibiotiques efficaces dans la tuberculose multirésistante.
D'où l'intérêt de diminuer cet effet indésirable auditif. Pourquoi pas avec de l'aspirine ? Une équipe sino-américaine (Xian et Ann Harbor) est partie d'une notion suggérée chez l'animal : l'ototoxicité serait causée par les espèces réactives de l'oxygène et donc atténuée par les antioxydants. L'acide salicylique pourrait être testé dans cette indication.
1 g d'aspirine trois fois par jour.
C'est ce qui a été réalisé auprès de volontaires recrutés dans des hôpitaux militaires en Chine. Les 195 patients devaient être traités par gentamycine en raison d'une infection aiguë. Tous avaient entre 18 et 65 ans. Ils ont reçu de 80 à 160 mg de cet antibiotique, deux fois par jour, par voie intraveineuse, pendant 5 à 7 jours. Parmi eux, 89 ont reçu trois fois par jour 1 g d'aspirine pendant deux semaines et 106 ont été mis sous placebo. L'apparition d'une ototoxicité était définie comme une perte audiométrique de 15 dB ou plus, aux fréquences de 6 et 8 kHz, apparue dans les sept semaines.
Premier constat : l'action délétère sur l'audition est modérée. Le second confirme les espoirs mis en l'aspirine. Alors que la perte auditive concerne, comme on pouvait s'y attendre, 13 % des sujets sous placebo, seulement 3 % de ceux sous antioxydant sont touchés. De plus, l'efficacité thérapeutique de l'antibiotique n'est pas diminuée. En revanche, les patients sous aspirine déclarent davantage de symptômes gastriques (dont trois cas de saignement).
« Ces résultats démontrent le principe d'une protection contre l'ototoxicité par de l'aspirine. Un "aminoglycoside sûr" pourrait réduire les dépenses de santé et augmenter la panoplie contre les bactéries antibiorésistantes. Cependant, d'autres antioxydants peuvent être étudiés en tant qu'alternatives », concluent Su-Hua Sha, Jian-Hua Qiu et Jochen Schacht.
« New England Journal of Medicine « 354 ; 17, 27 avril 2006, 1856-1857.
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