En mai dernier, on annonçait qu'il était possible d'obtenir des ovocytes matures à partir de cellules souches embryonnaires de souris (« le Quotidien » du n° 7327). Les travaux alors décrits étaient les premiers à démontrer que les cellules souches embryonnaires pouvaient se différencier en cellules germinales. Dans la continuité de cette idée, une équipe japonaise vient de démontrer, toujours chez la souris, qu'il est également possible d'obtenir des spermatozoïdes à partir de ces fameuses cellules souches embryonnaires. Toyooka et coll. (Mitsubishi Kagaku Institute of Life Sciences, Tokyo) proposent un protocole simple et efficace permettant d'induire in vitro la différenciation de cellules souches en cellules germinales primordiales. Ces cellules participent à la spermatogenèse si on les transplante dans des tubules testiculaires reconstitués. Le protocole de différenciation mis au point par les Japonais devrait faciliter les études portant sur la compréhension des bases moléculaires de l'établissement des lignées germinales. Il pourrait, en outre, servir à la mise au point de nouveaux traitements de l'infertilité.
Toyooka et coll. ont utilisé une lignée de cellules souches embryonnaires (ES) de souris génétiquement modifiée : un gène codant pour une protéine dont l'expression est facile à détecter (la protéine GFP qui est fluorescente ou la bêta-galactosidase détectable par une simple coloration des cellules) a été introduit dans les cellules, sous le contrôle du promoteur du gène Mvh. Mvh est éteint dans les cellules ES, mais il est exprimé par les cellules germinales primordiales. Le gène rapporteur introduit suit le même patron d'expression. Grâce à ce système, il est donc possible de distinguer aisément les cellules germinales, fluorescentes ou colorées, des cellules non différenciées.
Il s'agissait de cellules germinales primordiales
Ces cellules ES modifiées ont été cultivées dans des conditions qui provoquent leur agrégation et la formation de « corps embryoïdes ». Au sein de ces structures, environ un dixième des cellules ont commencé à produire de la GFP ou de la galactosidase au troisième jour de culture. Les cellules a priori différenciées étaient au départ dispersées dans les corps embryoïdes. Entre le cinquième et le septième jour, elles sont apparues rassemblées à la périphérie des agrégats. Ces cellules ont été purifiées et l'analyse de différents marqueurs a confirmé qu'il s'agissait bien de cellules équivalentes à des cellules germinales primordiales.
Les auteurs ont ensuite testé l'effet d'un facteur de croissance soluble, le BMP4 (Bone Morphogenic Protein 4), sur la différenciation des cellules ES. In vivo, le BMP4 est nécessaire à la génération de cellules germinales primordiales à partir des cellules de l'épiblaste. Des cellules ES ont donc été mises en culture avec d'autres cellules exprimant BMP4. Et, dès le premier jour où les cellules ES ont commencé à s'agréger avec les cellules produisant le facteur de croissance, des cellules germinales primordiales ont été détectées dans les cultures. BMP4 est donc capable, in vitro, d'accélérer la différenciation des cellules ES en cellules germinales primordiales et d'augmenter la proportion de cellules différenciées dans les cultures.
Toyooka et coll. ont poursuivi leur étude en mettant en culture les cellules germinales primordiales précédemment obtenues avec des cellules issues de la dissociation de gonades mâles prélevées entre le jour 12,5 et le jour 13,5 du développement embryonnaire. Les agrégats obtenus lors de cette coculture ont été transplantés dans l'épididyme de souris. Entre six et huit semaines après la transplantation, les auteurs ont pu observer dans les testicules des souris hôtes des tubules contenant des cellules portant le gène rapporteur introduit dans les cellules ES de départ. En outre, la présence du gène rapporteur a été mise en évidence dans des spermatides. Enfin, une analyse des spermatozoïdes extraits de ces tubes séminifères a révélé la présence de gamètes matures dérivant des cellules ES de départ.
Il est donc possible d'obtenir des spermatozoïdes à partir de cellules ES et cette manipulation semble facilitée par l'utilisation de cellules exprimant le BMP4.
Y. Toyooka et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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