De notre correspondante
« Ce travail est le résultat d'une synergie créée entre un laboratoire public (INRA) expert dans l'étude du développement embryonnaire précoce de l'embryon de mammifères et dans le clonage, et un laboratoire privé genOway (Lyon) qui a une bonne connaissance de la physiologie du rat. Cette synergie a ici joué à plein », souligne au « Quotidien » le Dr Jean-Paul Renard (INRA, Jouy-en-Josas), qui a dirigé l'équipe.
Le rat est un modèle animal très utilisé pour l'analyse des maladies humaines multigéniques, comme l'hypertension artérielle, le diabète et les troubles neurologiques. Malheureusement, la manipulation génétique chez le rat est entravée par l'absence de cellules souches embryonnaires. Celles-ci, chez la souris, sont utilisées pour produire des lignées avec mutations ciblées, comme les fameuses souris knock-out (K.-O.), si précieuses pour la recherche biomédicale.
Une autre approche potentielle est apparue pour produire des rats génétiquement modifiés, pouvant servir de modèles pour les maladies humaines : le clonage par transfert nucléaire de cellules somatiques (TNCS). Toutefois, jusqu'ici, tous les efforts de clonage des rats se sont soldés par un échec.
Un obstacle : l'activation spontanée rapide des ovocytes
L'obstacle au clonage vient de la physiologie particulière de l'ovocyte des rates. Cet ovocyte est beaucoup plus sensible à l'activation que celui des autres espèces. En effet, les ovocytes des rates s'activent spontanément peu après leur retrait des oviductes (dans les soixante minutes), ce qui laisse trop peu de temps pour mener à bien le processus de transfert du noyau d'une cellule somatique dans l'ovocyte anucléé.
Pour permettre à l'embryon de se reconstruire avant le début de l'activation de l'ovocyte, Zhou, Renard et coll. ont d'abord développé une procédure rapide de TNCS. Malgré cette manipulation rapide, aucun développement ftal n'est survenu.
Utilisant leur connaissance du mécanisme d'activation des ovocytes, ils ont alors bloqué artificiellement ce processus d'activation à l'aide d'un médicament, un inhibiteur de protéase (MG132). Cette molécule, ont-ils constaté, permet de stabiliser les ovocytes en métaphase pendant trois heures. Ils ont ensuite effectué le transfert de noyaux avant d'induire artificiellement l'activation par une autre molécule (inhibiteur de kinase spécifique du cdc2).
Deux mâles et deux femelles fertiles
« Nous avons trouvé une issue à une situation d'échec devant laquelle se trouvaient confrontées de nombreuses équipes dans le monde », déclare au « Quotidien » le Dr Renard.
Cette méthode de clonage a abouti à la naissance de deux rats mâles clonés, et deux rates femelles clonées qui se sont développées normalement pour devenir des adultes fertiles. L'objectif de l'équipe est maintenant de « mieux comprendre les événements biologiques pour tenter d'améliorer l'efficacité », confie le Dr Renard. « Et, sur un plan plus finalisé, utiliser des cellules génétiquement modifiées par recombinaison homologue à un locus d'intérêt. » Cela permettrait de créer des rats génétiquement modifiés, précieux pour la recherche biomédicale.
« Science » du 26 septembre 2003, http://www.sciencexpress.org
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