Par le Pr XAVIER CHEVALIER*
L'ARTHROSE digitale est une maladie hétérogène qui se présente sous différents tableaux cliniques. La forme nodale avec les classiques nodosités de Heberden et de Bouchard peut s'installer de façon totalement asymptomatique.
Il existe une forme particulièrement symptomatique, dite érosive, qui n'a pas de définition consensuelle. Pour certains auteurs, cette atteinte ne représente qu'une poussée de la maladie arthrosique. Néanmoins, l'arthrose érosive se distingue des formes non érosives par son caractère très douloureux, avec parfois recrudescence nocturne des douleurs, de début volontiers brutal, atteignant simultanément plusieurs articulations (IPP et/ou IPD), affectant les deux mains, avec une raideur matinale parfois longue (supérieure à une demi-heure). Les articulations douloureuses sont rouges, chaudes, sensibles avec, parfois, la perception d'un épanchement intraarticulaire. La présentation peut donner le change avec une polyarthrite rhumatoïde, dont elle constitue un des diagnostics différentiels. Une enquête récente a comparé les données épidémiologiques de patients présentant une poussée (douleur supérieure à 5 sur EVA et indice fonctionnel de Dreiser supérieur à 5), ces formes érosives ou pouvant s'intégrer à des formes chroniques (1). Les formes avec poussée se distinguent, outre par le niveau des douleurs, par une fréquence plus grande d'atteinte concomitante du pouce, une durée plus courte des symptômes et une association plus fréquente à une autre localisation de l'arthrose. Cette atteinte peut évoluer de façon récurrente et tenace sur plusieurs années, entraînant un handicap majeur.
Radiologiquement et contrairement à ce qu'indique sa dénomination, ce ne sont pas les érosions pseudo-kystiques épiphysaires qui sont les plus typiques de la forme érosive. Les érosions, dans cette forme, réalisent un aspect en dents de scie de l'interligne ou un aspect en aile de goéland plus évocateur. L'instabilité et/ou l'ankylose des interphalangiennes distales ou proximales sont beaucoup plus évocatrices de cette forme érosive.
Des études anatomopathologiques récentes semblent incriminer une atteinte ligamentaire précoce dans l'arthrose digitale, à l'origine d'une instabilité et d'une chondrolyse secondaire. A l'inverse dans les formes érosives, le cartilage semble la cible première.
Les recommandations récentes de la Société européenne de rhumatologie pour la prise en charge des arthroses digitales ne s'adressent pas spécifiquement aux formes les plus douloureuses. Les formes érosives d'arthrose digitale sont caractérisées classiquement par le caractère volontiers rebelle aux traitements usuels : antalgiques et Ains laissant souvent le praticien dans une situation d'impasse thérapeutique. Différents traitements dits de fond ont été essayés. L'hydroxychloroquine n'a pas démontré son efficacité. Les chondroïtines sulfates sont les seuls antiarthrosiques symptomatiques d'action lente ayant montré une diminution du nombre de nouvelles érosions lors de suivis au long cours (2). Compte tenu du caractère quasi inflammatoire de l'arthrose érosive, il est logique que les traitements de demain s'adressent à des agents plus puissamment anti-inflammatoires. L'intervention de cytokines, notamment l'IL1, est suggérée par des études génétiques (3). Les corticoïdes sont à déconseiller en raison de leur risque potentiel de complications. Deux essais en ouvert ont été récemment rapportés, l'un avec le méthotrexate et l'autre avec un anti-TNF alpha. Leurs résultats doivent être validés par des études randomisées contre placebo.
* Service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
(1) Maheu E, Coste PH, Lafuma A, Dreiser L. Characteristics of Hand OA Patients with a Symptomatic Flare Compared to « Non Flaring » Patients : a Cross Sectional Study. OARSI Meeting 2006.
(2) Towheed TE. Systematic Review of Therapies for Osteoarthritis of the Hand. « Osteoarthritis Cartilage » 2005 ; 13 : 455-462.
(3) Stern AG, de Carvalho MR, Buck GA et al. Association of Erosive Hand Osteoarthritis with a Single Nucleotide Polymorphism on the Gene Encoding Interleukin-1 Beta. « Osteoarthritis Cartilage » 2003 ; 11 : 1443-1450.
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