PAS DE CAS index de transmission : c'est la particularité et la difficulté de l'enquête épidémiologie lancée par les ministères de la Santé et de l'Agriculture. La chienne Cracotte, croisée staffordshire terrier, vivant à Grandpuits (Seine-et-Marne), âgée de 9 mois, euthanasiée le 19 février, avait été contaminée par un Lyssavirus de génotype 1 (rabies virus), de type Africa 1, provenant d'Afrique du Nord et très probablement du Maroc. Mais Cracotte n'avait jamais quitté la France, c'est un cas secondaire, voire tertiaire. Certes, deux autres cas ont bien été identifiés : Youpi, femelle croisée labrador, appartenant au même propriétaire, et Gamin, mâle croisé border collie, rapporté du Maroc via le Portugal et l'Espagne à Montestruc (Gers) à partir du 1er novembre. Mais, même si Youpi semble avoir été à l'origine de la contamination du deuxième, puis du troisième animal, il a été incinéré, tout comme ce dernier. Les preuves biologiques sont donc parties en fumée.
En 2004, aucun cas positif.
C'est cette absence de cas index dûment établie qui rend l'enquête épidémiologique vétérinaire et humaine «inédite et beaucoup plus complexe que celle lancée en 2004, autour du chiot Tiki», explique Laurent Dacheux, adjoint au responsable du Centre national de la rage à l'Institut Pasteur de Paris, pharmacien biologiste. A l'époque, l'inquiétude était venue du fait que le chien, rapporté du Maroc en Dordogne, avait accompagné son maître à de nombreux festivals, 80 000 personnes ayant pu être exposées. Au total, lors de cette alerte mémorable, 187 personnes avaient reçu un traitement postexposition et 1 200 animaux morts avaient fait l'objet d'analyse. Aucun positif n'était retrouvé (« Bulletin épidémiologique hebdomadaire » n° 36/ 2005). «Notre inquiétude est aujourd'hui plus grande qu'en 2004, analyse Laurent Dacheux, faute de certitude sur le cas contact avec des faits déjà anciens: Youpi a pu excréter du virus rabique dès le 15décembre et Gamin dès le 1ernovembre, l'ancienneté multipliant les risques de transmission. Dans la meilleure hypothèse, on peut encore espérer qu'aucun nouvel humain ou animal ne soit signalé, mais, compte tenu des délais d'incubation, il faudra attendre l'été prochain pour statuer.»
D'ici là, tout nouveau cas ne manquera pas de faire monter la pression. Chaque année, l'institut reçoit 1 200 prélèvements en provenance de toute la France, des têtes de chiens sur lesquelles des tests par immunofluorescence directe sur impressions de corne d'Amon, de bulbe et de cortex sont réalisés, selon la technique de référence.
La France ne pourrait-elle pas, avec cette alerte, perdre le statut de pays indemne de rage qu'elle avait acquis en 2001 ? La question est discutée par les experts, alors que l'OIE (Office international des épizooties) a défini pour critère l'existence de contamination interanimaux sur le territoire – une contamination qui semble être intervenue en l'occurrence deux fois... Dans ce contexte de mobilisation générale, Laurent Dacheux attire l'attention des généralistes sur «la nécessité de contacter un centre antirabique en cas de morsure par un chien», ainsi que sur «l'importance d'informer sur les risques rabiques les voyageurs en partance pour les destinations endémiques. Les services de réanimation qui prennent en charge des patients atteints d'encéphalite doivent aussi évoquer un diagnostic de rage, alors que la maladie est trop souvent négligée dans la formation médicale».
55 000 morts
Le nombre annuel de décès provoqués par la rage est estimé à 55 000 dans le monde, pour la plupart dans les zones rurales de l'Afrique et de l'Asie. Chaque année, environ 10 millions de personnes reçoivent un traitement après exposition à des animaux suspects. A la fin des années 1990 et au début des années 2000, la rage a été éliminée chez les animaux sauvages dans les pays d'Europe de l'Ouest, qui ont mené des campagnes de vaccination orale. C'est ainsi que la France a pu être déclarée indemne en 2001, tous les cas signalés depuis ayant été importés sur son territoire.
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