Frissons et hématurie microscopique

Une endocardite inattendue chez un quinquagénaire

Publié le 21/02/2006
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CET HOMME ne tousse pas, ne crache pas, n’a pas de difficulté pour respirer ou pour uriner. Il dit que son médecin, sur la base d’une analyse d’urines, lui a prescrit de la ciprofloxacine, ce qui n’a pas eu beaucoup d’effet. Cet homme n’a jamais fait usage de drogue, est un ex-fumeur (5 paquets-années) et boit environ 35 verres de boissons alcoolisées par semaine.

A l’examen, on trouve un patient en sueurs, fébrile (38,8 °C) et tachycarde ; sa TA est normale et sa pression veineuse jugulaire n’est pas augmentée. On découvre un souffle diastolique précoce 2/6 en haut du bord gauche du sternum. L’examen pulmonaire est normal. Il n’y a pas de splénomégalie et pas de signe périphérique faisant penser à une endocardite. Les analyses d’urines répétées à l’entrée montrent une hématurie microscopique. Il existe une hyperleucocytose (18 800/mm3) avec neutrophilie (17 300/mm3), une anémie normocytaire modérée (12,1 g/dl) ; les plaquettes sont à 117 000/mm3, la VS à 71 et la protéine C réactive à 108 mg/l. Enfin, on constate des gamma GT à 70 UI/l et une albuminémie à 32 g/l. La radiographie thoracique est normale ; l’ECG montre une tachycardie sinusale. Cliniquement, on porte le diagnostic d’endocardite, et on commence un traitement I.V. par benzyl pénicilline et gentamycine.

Une végétation.

L’échocardiographie transthoracique et transoesophagienne montre une végétation de 1,5 cm de diamètre au niveau de la valve pulmonaire, qui est sévèrement endommagée et siège d’une régurgitation. L’angioscanner pulmonaire élimine un embol septique.

Les hémocultures poussent à streptocoque du groupe B, sensible à la pénicilline et aux macrolides.

Le patient répond au traitement dans les quarante-huit heures : il se sent mieux, son appétit s’améliore, ses frissons disparaissent et il devient apyrétique. Les antibiotiques sont poursuivis pendant six semaines. Un an plus tard, il va bien.

Cette observation est intéressante sur certains points, expliquent les auteurs. Premièrement, une infection isolée de la valve pulmonaire est rare (moins de 2 % des cas d’endocardite) ; le facteur prédisposant principal est une lésion endovasculaire (iatrogène ou toxicomanie I.V.). Deuxièmement, dans ce contexte, c’est le staphylocoque doré qui est le plus souvent rencontré. Le streptocoque du groupe B est une cause rare d’endocardite ; elle a été rapportée chez des petits enfants ou en association avec des maladies systémiques : diabète, cancer, alcoolisme, malnutrition, immunosuppression. «A notre connaissance, il y a eu chez l’adulte seulement deux cas décrits d’endocardite touchant la valve pulmonaire et liée à un streptocoque du groupeB: chez un homme alcoolique dénutri de 40ans et une femme de 61ans qui avait eu un épisode d’arthrite septique. Notre cas était particulier par l’atteinte sélective de la valve pulmonaire chez un sujet précédemment en bonne santé, immunocompétent», ajoutent les auteurs.

Comment expliquer l’hématurie microscopique ? «Il est improbable qu’une hématurie microscopique avec fièvre et frissons soit due à une infection urinaire chez un patient d’âge moyen sans signe urinaire obstructif. Dans ce cas, il doit y avoir un index élevé de suspicion d’endocardite infectieuse, même en l’absence de facteur de risque.»

George Tofaris et Trevor Wistow. « The Lancet » du 18 février 2006, p. 622.

> Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7904