QUATRE JOURS plus tôt, tout avait commencé par l'apparition d'une fièvre et d'une douleur dans l'épaule gauche. Cela a été rapidement suivi de contractions musculaires involontaires au niveau de la nuque et des membres, le patient se refusant, par ailleurs, à avaler quelque liquide que ce soit et manifestant une aversion absolue pour le moindre courant d'air.
A son admission, le patient, bien que conscient, ne répond pas aux ordres formulés par le médecin. Ce dernier note une asymétrie intermittente des diamètres pupillaires, ainsi qu'une absence de réflexe cornéen. Quelques heures plus tard, le patient développe une détresse respiratoire nécessitant son intubation et son transfert en unité de soins intensifs neurologiques. Les médecins constatent que, lorsque la sédation est interrompue, cela est suivi d'une ascension de la pression artérielle jusqu'à 280 mmHg ou d'un arrêt cardiaque. Un stimulateur cardiaque est mis en place.
L'analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) pratiquée au 4e jour montre un nombre normal de leucocytes, mais il existe une hyperprotéinorachie et un taux élevé de protéine tau ; les taux d'énolase et de protéine S100 sont normaux, mais celui d'amyloïde bêta est abaissé.
Des lésions cérébrales.
Au dixième jour de son hospitalisation, le patient est en coma dépassé ; une IRM cérébrale réalisée au dix-neuvième jour met en évidence d'importantes lésions au niveau du tronc cérébral et du diencéphale (alors que l'IRM pratiquée au septième jour était normale). Au seizième jour, l'étude du LCR ne révèle qu'une légère pléiocytose.
Le patient est décédé au vingt-et-unième jour sans qu'un diagnostic clinique précis n'ait pu être porté. Ce n'est qu'à l'autopsie que l'on découvrira la cause du décès : une encéphalite rabique sévère, accompagnée de lésions hypoxiques et d'hypertension intracrânienne. L'anamnèse a permis de déterminer que, quatre semaines avant le début des troubles, le patient était revenu d'un séjour en Inde, durant lequel il avait été fortuitement amené à s'occuper de chiots. Il n'avait jamais été mordu par ces derniers, mais avait vraisemblablement été en contact avec leur salive. Toutefois, l'absence d'anticorps dirigés contre le virus rabique dans le sang, la salive et le LCR du patient avait conduit à écarter le diagnostic dans un premier temps.
Voyages en régions d'endémie.
Avec plus de 30 000 cas annuels, l'Inde figure parmi les pays dont les populations paient un lourd tribut à la rage, l'infection étant principalement transmise par des animaux domestiques, dont les chiens.
Ce cas de rage, le premier enregistré en Allemagne depuis huit ans, auquel s'ajoute un autre cas rapporté en Autriche chez un sujet revenu du Maroc, rappelle que le risque de rage importée est un fait bien réel dans tous les pays d'Europe. La possibilité d'une infection rabique doit donc être envisagée chez toute personne ayant voyagé dans une région où la rage sévit de façon endémique.
Tous les chiots auxquels le patient avait prodigué ses soins sont morts quelques semaines après son départ d'Inde.
«The Lancet », vol. 365, 22 janvier 2005.
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