DEPUIS 2005, les personnes qui accompagnent des malades en fin de vie disposent d'une ligne téléphonique. Au 0811.020.300 (Numéro Azur), ils peuvent «s'informer, en parler». Cette ligne a été fermement défendue par la psychologue Marie de Hennezel, auteure d'un premier rapport sur le sujet, « Fin de vie : le devoir d'accompagnement », remis en 2003 au ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy. Elle en a rendu tout récemment un autre, à Roselyne Bachelot, « la France palliative », dans lequel elle dénonce l'insuffisance des moyens.
Au début de la mise en place du numéro d'appel, un premier « niveau d'écoute » était assuré par des conseillers de Cancer Info Service. La fondation Croix-Saint-Simon, à Paris, intervenait ensuite en deuxième instance, quand une écoute plus spécialisée en soins palliatifs se révèlait nécessaire. Depuis que l'INCa (Institut national du cancer) a repris en 2007 la ligne de la Ligue contre le cancer, les deux numéros ont été désolidarisés. Ainsi le CDRNSP, centre de ressources national soins palliatifs François-Xavier Bagnoud (qui fait partie de la fondation Croix-Saint-Simon) assume désormais l'écoute dès le premier appel. «Ce n'était pas plus mal, finalement, car très souvent, derrière une demande d'informations très factuelles, il y a une demande d'écoute», constate Dominique Serryn, qui dirige le centre de ressources.
Parmi les appels, 44 % concernent des informations administratives (sur les structures, la prise en charge) et 14 % des appels demandent des réponses techniques. Des fiches pratiques sont d'ailleurs disponibles sur le site du centre* (comment humidifier la bouche du malade, comment le déplacer sans se faire mal au dos…). Cependant, «même quand quelqu'un nous appelle pour une question d'ordre administratif, si on creuse un peu, on arrive vite à une souffrance, confirme l'une des quatre écoutantes, Séverine Coutin . Les personnes se retrouvent dans un vide total. Par exemple, si elles doivent prendre la décision d'un retour à domicile ou d'un transfert vers un autre établissement, tout semble très compliqué. A nous aussi de les orienter vers les assistantes sociales du secteur».
La doctrine de la ligne, souligne au passage Dominique Serryn, «n'est en aucun cas une substitution aux soignants. Nous ne faisons aucune prescription sur la douleur».
Cadre légal.
«Nous recevions au début beaucoup de demandes sur l'euthanasie, se souvient Séverine Coutin. Mais c'était surtout l'expression d'une colère.» Aujourd'hui, c'est rarissime. «Ils l'évoquent moins, peut-être parce qu'on en parle plus dans les médias, donc les personnes qui sont concernées sont peut-être un peu plus informées. Et puis, elles ont pu déposer leur colère ailleurs. Car nous représentons un peu un catalyseur. Et nos appelants se défoulent un peu sur nous. Les personnes espèrent qu'en se plaignant auprès de nous, cela pourra faire changer les choses.»
Sur l'euthanasie, «nous rappelons le cadre légal. Ou plutôt nous éclairons nos appelants sur la loi Leonetti, qui n'est pas si facile à comprendre et que chacun interprète un peu à sa manière. Il est rare que nous amenions nous-mêmes le sujet sur l'ADMD, par exemple (Association pour le droit de mourir dans la dignité, présente en Suisse, en Belgique et en Espagne, notamment). Ce n'est pas notre mission de donner les coordonnées de ces organisations. Nous les invitons à se renseigner eux-mêmes».
Aider à aller mieux.
Les malades composent rarement le Numéro Azur (8 %, selon les statistiques de la fondation). En revanche, les professionnels de santé sont nombreux à appeler (30 %) et les bénévoles également (12 %). Mais les proches sont bien sûr les principaux appelants (44 %). Généralement, ils songent à cette ligne quand le diagnostic létal vient de tomber sur leur proche. «Il est beaucoup question de problèmes de communication autour de la mort. Aborder ce sujet avec quelqu'un qui est encore vivant est culpabilisant car on a l'impression de l'enterrer. “Ma mère se dégrade de plus en plus, comment lui parler'' Ou bien: «Ma petite fille de trois ans me voit triste quand je reviens de l'hôpital. Comment lui expliquer''. »
L'entourage peut aussi ne composer le numéro qu'au bout de huit mois, un an, «quand ils n'en peuvent plus, qu'ils sont épuisés. Ils se négligent, ne s'autorisent pas à être heureux finalement. Donc, nous sommes là aussi pour les aider à prendre soin d'eux, à les encourager à aller mieux, ce qui est dans leur intérêt et dans celui de la personne malade aussi».
La ligne, ouverte du lundi au samedi de 8 heures à 20 heures, reçoit entre 80 et 100 appels par mois et il ne se passe jamais un jour sans aucun appel. Une centaine d'appels, ce n'est pas si mal, mais cela pourrait être plus, même si, note Dominique Serryn, «ce type de ligne ne peut être jugé seulement sur des critères quantitatifs». Car la compétence des quatre écoutantes (quatre équivalents temps plein, dont deux psychocliniciennes et deux bénévoles d'accompagnement), toutes soumises à une formation spécifique à l'écoute et aux soins palliatifs, pourrait bénéficier à davantage de personnes démunies. C'est que le numéro est très peu connu du grand public. Une communication plus développée serait donc opportune. «C'est notre souhait, bien sûr, mais on ne se heurte pas seulement à un problème de moyens. La fin de vie reste encore très taboue», constate l'écoutante. «Quand nous avons diffusé nos petites cartes d'information, où figurait sur un fond rouge l'ombre de personnes, elles ont reçu un accueil mitigé, de la part des professionnels de santé, notamment, qui y voyaient du sang et des fantômes, et les trouvaient trop violentes.» Il n'est pas facile de parler de la mort.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature