SURPRISE, surprise. Avec Lars von Trier, l'un des initiateurs du Dogme, les règles de chasteté cinématographique inventées dans les années 1990, l'expérimentation n'est jamais loin, ce qui n'empêche pas de raconter une histoire. Celle du « Direktor » est à double détente, puisqu'à la fois évocation de l'impitoyable monde de l'entreprise et interrogation sur le métier d'acteur et donc la création artistique en général. Et, si le réalisateur affirme que son film «n'est pas politique», l'éternelle question de l'existence du mal n'en est pas moins présente.
Soit le propriétaire d'une société informatique qui s'est toujours fait passer pour l'un des employés. Au moment de vendre son bébé à d'impitoyables et grossiers Islandais (décidés à se venger de quatre cents ans de domination danoise), il veut faire croire que c'est la décision du jusqu'alors invisible directeur et embauche un acteur – prétentieux, donc raté, nous dit le réalisateur-auteur – pour jouer ce rôle. Cela nous vaut des scènes cocasses, souvent bien vues sur les relations de travail, et des moments parodiques, voire burlesques.
Mais chez Lars von Trier, la théorie cinématographique n'est jamais bien loin. Le réalisateur danois adore s'imposer des règles et voir ce que cela donne. Cette fois, il a concocté un procédé de prise de vue et de son destiné à «réduire l'influence humaine sur l'oeuvre en convoquant l'arbitraire, pour obtenir une surface dépourvue d'idéologie et détachée des habitudes pratiques et esthétiques». Une fois la caméra mise en place, c'est un logiciel qui décide des mouvements de cette dernière, les possibilités étant peu nombreuses et la même règle étant appliquée au son. Et, toujours dans l'idée de réduire la part d'artifice du cinéma, le montage est minimal.
On ne s'étonnera donc pas des cadrages bizarres, de l'absence de fluidité du passage d'une scène à une autre, ou même des sauts d'un plan à un autre. Tout en reconnaissant que le procédé – finalement, c'est aussi un artifice – ajoute à la drôlerie de l'ensemble. Les astuces du scénario, les références culturelles, le jeu des comédiens (Jens Albinus, Peter Gantzler, Louise Mieritz) font partie du pur plaisir cinématographique que Lars von Trier nous offre. Chassez le cinéma, il revient au galop.
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