NOIR, le décor est comme une nappe d'encre noire sur laquelle des reflets bougeraient sans cesse. Ainsi croirait-on apercevoir les éclats de l'alignement un peu désordonné des verres sur la table d'une fin de banquet. Ainsi, soudain, croirait-on apercevoir des personnages, des rois, des reines, dans des habits précieux. Ainsi entendrait-on des voix et elles nous troubleraient d'autant plus qu'elles auraient le grain des voix qui depuis longtemps se sont tues... Etrange atmosphère, étrange sentiment.
« La Rose et la hache ». D'après le « précipité » dramatique de l'Italien Carmelo Bene qui s'inspirait là d'une scène du « Richard III » de Shakespeare, une scène où l'on assiste à l'impossible. Le méchant « crapaud du diable » séduit Lady Anne, dont il a assassiné le mari...
Carmelo Bene ne convoque en scène que peu de protagonistes, Richard (Ariel Garcia Valdès), sa mère, la reine Marguerite (Georges Lavaudant). Et puis Elisabeth (Astrid Bas), Lady Anne (Céline Massol), Edouard (Babacar M'baye Fall). Une heure avec ellipses, fulgurances, phrases suspendues. Qui connaît la tragédie de Shakespeare en reconnaît les lignes de force, une partie de l'intrigue, les enjeux dramaturgiques ; qui ne connaît pas la pièce de Shakespeare, verra dans le personnage du duc de Gloucester, futur Richard III, la métaphore magnifiée du théâtre, un « personnage » à la recherche de lui-même.
Il y a dans la reverdie d'un spectacle, vingt-cinq ans après, quelque chose qui trouble profondément. Et qui concerne notre relation au temps, à l'usure, à ce que l'on prétend être l'éphémère et qui pourtant ne se dissipe pas.
Mais, même sans ces sentiments profonds qui bouleversent, « la Rose et la hache » possède une puissance extraordinaire. Tout ce qui avait fait et fera ensuite l'art de Georges Lavaudant est là, en place. Lui-même, et on en est enchanté, semble s'amuser. Les trois jeunes comédiens qui rejoignent l'aventure sont formidables. Et puis il y a un acteur unique, exceptionnel, un acteur qui distille avec une intelligence et une sensibilité renversantes, les pleins et les déliés de l'encre de Shakespeare, de Carmelo Bene. C'est inoubliable. A chaque fois inoubliable. Ariel Garcia Valdès tel qu'en lui-même le jour ne cesse de le transfigurer.
Théâtre de l'Europe, Odéon aux Ateliers Berthier, à 20 h du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h (01.44.85.40.40.) Durée :1 h. Jusqu'au 27 novembre.
Le texte est publié aux éditions de Minuit dans « Superpositions », par Carmelo Bene et Gilles Deleuze (9,90 euros).
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