DE NOTRE CORRESPONDANTE
François Franceschi (à gauche), ex-membre du bureau national de l'UMP, a créé la surprise en ralliant la liste de Jean-Noël Guérini ; Renaud Muselier (à droite) brigue la succession de Jean-Claude GaudinLES MÉDECINS ont toujours particulièrement compté dans la vie politique marseillaise, avec de grandes figures comme Joseph Comiti, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports entre 1969 et 1973, ou Robert Vigouroux, neurochirurgien et maire de Marseille de 1986 à 1995. Ils sont encore nombreux, aujourd'hui, au conseil municipal, du Pr Luccioni au Dr Villani. A l'heure d'un nouveau scrutin, ceux-ci ont renoncé pour des raisons diverses, mais d'autres se trouvent en bonne place sur les listes des deux camps.
A droite, Renaud Muselier, l'actuel premier adjoint de la mairie, est tête de liste dans les 4e et 5e arrondissements de Marseille. Médecin de formation et directeur de la clinique privée Saint-Martin, il n'exerce plus depuis longtemps et consacre tout son temps à l'action politique. Ancien secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères dans le gouvernement Raffarin entre 2002 et 2005, il a été élu récemment vice-président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. A Marseille, il brigue la succession de Jean-Claude Gaudin qui rechigne à la lui donner… Cette fois, Renaud Muselier a vu arriver sur ses terres Jean-Noël Guérini en personne, sénateur PS des Bouches-du-Rhône, histoire de faire de leur secteur un symbole de l'opposition gauche-droite.
Et l'affrontement verbal est assez violent : «Pour nos adversaires, l'année 2007 n'a pas été très bonne, expliquait récemment sur un chat le premier adjoint. Nous avons gagné la présidentielle, les législatives, et un candidat socialiste s'est dévoilé mi-septembre, après douze ans d'absence au conseil municipal. Celui-ci a engagé entre septembre et décembre une entreprise de démolition. Tout ce que nous faisons ou avons fait est “mauvais”. C'est une vraie mauvaise foi de ne pas reconnaître que Marseille a changé (...). Il nous prend pour des imbéciles.» Ce à quoi le président du conseil général des Bouches-du-Rhône répond : «Des rues d'une saleté inacceptable, un manque cruel d'équipements publics, des logements à des prix inabordables, des conditions de circulation et de stationnement inadaptées, les4eet 5earrondissements méritent décidément mieux. Le temps du changement est venu.»
Les sortants défendent leur bilan.
Sur la liste UMP-Centre droit, les autres médecins-candidats s'appuient sur un bilan municipal. C'est notamment le cas de Françoise Gaunet, qui développe diverses actions de santé publique (dont la mission de lutte contre le sida et la toxicomanie), ou de Claude Valette, gynécologue et vice-président de la communauté urbaine de Marseille chargé de l'aménagement et des transports.
Le Dr Michel Bourgat, lui aussi, faisait partie de la dernière équipe municipale comme adjoint au maire chargé de la prévention de la délinquance, du contrat éducatif local et de la citoyenneté de la jeunesse. Médecin généraliste dans un cabinet à la Belle-de-Mai, il a toujours réussi à articuler vie politique et vie professionnelle. «J'ai juste diminué les visites à domicile. Je consacre environ de six à sept heures de mon temps à mon cabinet et cinq heures et demie à ma délégation. Je suis très cloisonné et très bien organisé. Quand je suis médecin, je ne parle pas politique à mes patients et vice versa.» Conseiller d'arrondissement dès 1983, engagé au RPR, puis à l'UMP, il pense prendre du recul, écoeuré par la politique politicienne quand son fils est assassiné dans la rue en 1996. Ce drame qui bouleverse sa vie le pousse à créer la Fédération nationale pour l'aide et le soutien aux victimes de violence. Il devient adjoint au maire, s'occupe de la prévention de la délinquance et de la jeunesse. «Quand on est médecin, on a le courage d'écouter les gens parler de leurs problèmes, c'est notre lot quotidien, leurs difficultés de vivre, leurs problèmes de logement, c'est une écoute améliorée, très tournée vers le social. Il est clair que, ensuite, je suis moins intéressé par l'urbanisme que par la toxicomanie ou la délinquance.»
Une fenêtre d'expression sur la santé.
Evoquer les problèmes de santé, un thème habituellement peu discuté dans une campagne municipale, c'est précisément le discours tenu par les médecins qui ont souhaité s'engager sous la bannière du socialiste Jean-Noël Guérini. Même François Franceschi, ex-membre du bureau national de l'UMP, dont le ralliement a fait débat pour conduire la liste de gauche dans le secteur des 6e et 8e arrondissements, le fief du sénateur-maire, reprend ce thème à son compte. «J'ai un projet médical et scientifique avec Jean-Noël Guérini. Nos hôpitaux sont mal en point, il y a eu des coupes sombres dans les projets annoncés comme l'hôpital mère-enfant de la Timone, le service d'urgences ou le grand plateau technique prévu, il existe un numerus clausus catastrophique pour nos universités, le nombre d'internes est indigent, il fallait réagir et aller vers un autre projet. Gaudin est usé, sans idées, sans projets. j'aimerais le mettre en ballottage, j'aime ce genre de défi.»
Le Pr Guy Magalon, chef de service de chirurgie plastique et de réparation de la Conception, ne nie pas avoir voté également pour Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle, mais s'engage lui aussi auprès du président socialiste du CG13. «Je crois que c'est une période propice à faire passer des messages, je ne veux pas être au conseil municipal, mais, alors que je n'ai plus le nez dans le guidon comme avant, on peut utiliser cette campagne comme une fenêtre d'expression.» Le déclic pour lui s'est révélé être cette formation réalisée sur la gestion économique de la santé. «Il y a beaucoup de problèmes de santé à Marseille et qui vont s'aggraver à l'avenir, et pas seulement pour des raisons locales, un numerus clausus, qui déséquilibre les CHU et pose un problème de démographie médicale majeur dans les années à venir. Il y a une fuite des médecins des hôpitaux vers le privé, c'est un premier point noir. L'hôpital n'est plus assez attractif pour les garder; enfin, une enquête récente du magazine “Impact Médecine” montre que la ville n'est pas bien classée en France pour l'accès aux soins. Si la municipalité avait dû faire quelque chose, elle l'aurait déjà fait...» Guy Magalon souhaite au moins provoquer un débat sur ce thème. Le médecin urgentiste, Brigitte Pietri, qui se lance pour la première fois dans la bataille comme numéro deux sur le secteur de Jean-Noël Guérini lui-même, propose en plus que la mairie prenne en charge la création de maisons médicales, dans tous les arrondissements, qui permettraient de traiter les petites urgences.
Personne ne sait si ces prises de position auront une incidence sur la campagne. Pour l'instant, la bataille s'annonce serrée, avec des sondages récents qui donnaient encore à Jean-Claude Gaudin un avantage de quatre points sur un Jean-Noël Guérini qui a déjà rattrapé une partie de son retard. Mais comme à Paris ou à Lyon, il ne suffira pas à Marseille d'être premier en voix. C'est au nombre de secteurs gagnés que se fera la différence.
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