THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
Un jeune homme de vingt-trois ans écrit « Léonce et Léna ». Une comédie, allègre, ironique, blagueuse, railleuse. Le même jeune homme, laissera, sous forme de fragments, ce chef-d'uvre tragique qu'est « Woyzeck ». On n'en finit jamais avec Georg Büchner, on n'en finit jamais de découvrir, par-delà la fantaisie et l'alacrité, la profondeur, la mélancolie, le sentiment tragique du monde et même, si l'on écoute bien, la critique politique. Büchner est aussi l'acide pamphlétaire du Messager hessois acquis aux idéaux de la révolution.
Mais il est d'abord poète. Et c'est en poète que le saisissent André Engel et son équipe comme ils l'avaient fait pour « Woyzeck » il y a quelques saisons. Tout ici enchante et convainct.
La scénographie heureuse de Nicky Rieti avec son système de focale à transformations qui cadre serré ou large, les costumes seyants d'Elisabeth Neumuller, les lumières fluides d'André Diot, la composition musicale enlevée d'Etienne Perruchon qui joue les chefs au-dessus d'une fosse vide - tout est enregistré ! - et la distribution parfaite.
Jusque dans les plus petits rôles, la précision est de rigueur avec le drôle maître d'école de Jacques Vincey, le délicieux maître de cérémonie de Lucien Marchal, le merveilleux président du conseil de Jacques Herlin. Bien plus que des silhouettes, des incarnations précieuses accordées à un ensemble harmonieux qu'André Engel et Dominique Muller, son dramaturge, font chanter avec la complicité d'Etienne Perruchon. C'est joli, grâcieux, drôle, pertinent. Evelyne Didi est une cocasse gouvernante, Lisa Martino, superbe actrice, une ravissante et aristocratique Rosetta, Bernard Ballet un irrésistible roi Pierre, qui fulmine et s'empêtre, formidable !
Le trio majeur enchante. Faux petit prince désinvolte, Jérôme Kircher est un fin et délié Léonce comme l'est la Léna à lunettes de raisonneuse de la délicieuse Isabelle Carré. Manipulateur revenu de tout - mais qui veut être ministre ! -, le Valério (un personnage à la Musset, enfant du siècle s'il en est) d'Eric Elmosnino est aussi attachant qu'aigü. Un spectacle parfait, signé, répétons-le, d'un poète des tréteaux, André Engel. Bravo !
Odéon-Théâtre de l'Europe, à 20 heures du mardi au samedi, à 15 heures le dimanche. Jusqu'au 28 octobre (exceptionnellement à 20 heures le dimanche 21 octobre). Durée : 1 h 40 sans entracte (01.44.41.36.00). Le texte est publié au Seuil.
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