Assurance maladie obligatoire

Une délégation assurée par les assureurs privés

Publié le 27/01/2012
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Le secteur des soins courants a été réformé en 2006, mettant en avant la délégation totale de l’assurance maladie aux assureurs privés. Détails.

Depuis le milieu du XXe siècle, les Pays-Bas ont construit leur système de protection sociale en mélangeant les deux grands systèmes européens, à savoir le système beveridgien, à la manière de la Grande-Bretagne, et le système bismarckien, présent en Allemagne ou en France. Le système de santé hollandais, qui n’a pas été modifié dans sa structure par les réformes de 2006, repose sur trois piliers.

Le premier, l’AWBZ (Algemene Wet Bijzondere Ziektekosten), est un régime public obligatoire couvrant les soins de longue durée (maladies chroniques, soins des personnes âgées, soins palliatifs, etc.). Il représente environ 30 % des dépenses et correspond à ce que les Anglo-Saxons qualifient de Care, c’est-à-dire de prise en charge de la personne dans sa dimension sanitaire, médico-sociale et sociale.

Le second, la ZVW (Zorgverzekeringswet), couvre les soins courants, autrement dit le Cure et absorbe plus de 40 % des dépenses. Enfin, le troisième, constitué d’assurances complémentaires privées, ne représente qu’environ 5 % des dépenses et se contente de prendre en charge ce qui ne l’est pas par les deux premiers.

Seuls les soins courants ont été réformés

La réforme de 2006 n’a touché que le second pilier, la ZVW. Son aspect le plus spectaculaire a consisté à recourir à des sociétés d’assurances privées et à supprimer les caisses d’assurance maladie publiques. Mais comme le notent les auteurs du rapport d’information sur le système hollandais, réalisé pour la Mecss (Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale) en 2008, « ce schéma d’organisation conduit parfois les observateurs extérieurs à conclure un peu hâtivement à la privatisation de cette branche de la protection sociale. En réalité, l’architecture institutionnelle est plus complexe qu’il n’y paraît : les autorités sanitaires ont certes délégué des compétences en matière de prise en charge des prestations et d’achat des soins aux sociétés d’assurance, mais des mécanismes forts de solidarité ont été maintenus ». Voire augmentés.

Certains analystes d’obédience libérale jugent en effet que le défaut majeur de la réforme est d’avoir supprimé toute liberté aux assureurs Santé. En effet, avant 2006, les soins courants étaient couverts selon deux modes de prise en charge liés aux revenus de l’assuré. En dessous d’un certain seuil de revenus (32 600 euros en 2004), l’assuré était obligatoirement affilié aux caisses publiques. Au-dessus de ce seuil, il pouvait choisir librement sa compagnie d’assurances privée. Des compagnies qui exerçaient leurs activités selon les règles assurantielles, à savoir en travaillant sur la gestion des risques individuels.

Recomposition autour de la couverture de base

La réforme de 2006 a mis fin à cette alternative et a créé un régime obligatoire unique pour tous. Depuis cette date, toute la population a l’obligation légale d’acquérir la même couverture de base auprès d’assureurs privés très encadrés. Les assurés ont la possibilité de changer une fois par an d’assureur. Mais quel que soit ce dernier, la couverture de base obligatoire inclut :

- les soins médicaux (ceux délivrés par les médecins généralistes, les hôpitaux, les médecins spécialistes et les sages-femmes) ;

- les séjours à l’hôpital ;

- les soins dentaires jusqu’à l’âge de 18 ans ;

- les outils médicaux ;

- les médicaments (du moins, une bonne partie d’entre eux) ;

- l’assistance à la maternité ;

- les transports sanitaires ;

- des soins paramédicaux.

Un mouvement de concentrations des assureurs

Les assureurs, dorénavant tous de statut privé, ne peuvent cependant plus travailler selon les principes assurantiels ni, donc, sur la gestion de risques individualisés. Tout se passe comme si la réforme de 2006 avait généré un double mouvement : l’unification et le renforcement de la couverture de base selon une logique publique et solidaire, accompagnés par une délégation de ce service public assurantiel au secteur privé. Ce système est renforcé par un important dispositif de péréquation qui vise à garantir une certaine équité entre les assureurs et à lisser les effets de la présence de profils d’assurés plus « lourds » chez les uns que chez les autres. Une façon aussi d’éviter que les assureurs soient tentés de contourner l’interdiction qui leur est faite de sélectionner leurs assurés.

Malgré ce mécanisme de péréquation, la réforme n’a pas été totalement bénéfique pour les assureurs. Ils ont plutôt tendance à perdre de l’argent sur le contrat de base. Ce qui a entraîné un très fort mouvement de concentration. Aujourd’hui, les Néerlandais ont en fait le choix entre quatre grands assureurs. Mais, en contrepartie de cet encadrement contraignant, ces derniers ont acquis un pouvoir fort sur les professionnels de santé et les établissements de soins : ils peuvent choisir et mettre en concurrence les offreurs de soins…


Source : Décision Santé: 281