Théoriquement, les cellules tumorales devraient être reconnues et détruites par le système immunitaire. Pourtant, dans un grand nombre de cas, ces cellules anormales échappent à la surveillance immunitaire et prolifèrent. Mais par quel(s) mécanisme(s) les tumeurs peuvent-elles induire une suppression locale de l'immunité ? Les travaux d'une équipe américaine du Vanderbilt University Medical Center (Nashville, Tennessee) montrent que ce processus implique notamment l'activité d'un des récepteurs à la prostaglandine E2 (PGE2). Ce récepteur serait un médiateur clé de l'action immunosuppressive des tumeurs : il conduit à une diminution du nombre de cellules T cytotoxiques antitumorales via une inhibition de la différenciation des cellules dendritiques. Cette découverte pourrait conduire à la mise au point de médicaments qui, en bloquant l'activité de ce récepteur, permettraient au système immunitaire d'agir plus efficacement contre les cellules tumorales.
Une surexpression de la cyclooxygénase-2 (COX-2) et de son métabolite majeur, PGE2, a pu être détectée dans de nombreux cancers humains, et des macrophages infiltrant les tumeurs produisent également une quantité importante de PGE2. Disposant d'une lignée de souris dépourvues du gène codant pour un des quatre récepteurs à PGE2, le récepteur EP2, Richard Breyer et coll. ont souhaité l'utiliser afin de rechercher le rôle de PGE2 dans le développement des tumeurs.
Les chercheurs ont injecté des cellules tumorales provenant de cancer humain du côlon ou du poumon à des souris sauvages et aux souris mutantes EP2-/-. Ils ont ainsi pu observer chez les souris mutantes une réduction importante de la croissance tumorale, ainsi qu'une augmentation significative de la survie des animaux.
Cellules de cancer du côlon ou du poumon
Afin de comprendre par quel mécanisme l'absence d'EP2 conduisait à cette amélioration du pronostique chez la souris, Breyer et coll. se sont tout d'abord intéressés à l'angiogenèse des tumeurs chez les animaux mutants. Il est apparu que la néovascularisation des tumeurs était identique chez les souris sauvages et chez les mutantes.
Les auteurs ont alors recherché une différence entre les deux lignées murines au niveau de la réponse immunitaire antitumorale. Ils ont établi que l'absence du récepteur EP2 ne modifie pas la production de cytokines par les lymphocytes Th1 et Th2. En revanche, Breyer et coll. se sont aperçus que le nombre de cellules dendritiques matures était bien plus élevé chez les souris mutantes. En conséquence, le nombre de lymphocytes T cytotoxiques capables de détruire les cellules tumorales est plus important chez les souris mutantes que chez les souris sauvages.
Les cellules dendritiques
Normalement, la fixation de PGE2 sur son récepteur conduirait donc à une inhibition de la différenciation des cellules dendritiques qui implique une faible activation des cellules cytotoxiques et, de ce fait, une immunosuppression. Chez les souris PG2-/-, les cellules dendritiques peuvent acquérir la capacité d'activer les lymphocytes T cytotoxiques qui conduiront à une destruction des cellules tumorales.
Selon les résultats de cette étude, il serait donc possible d'empêcher l'action immunosuppressive de la prostaglandine surexprimée dans les tumeurs en utilisant une molécule bloquant spécifiquement le récepteur EP2. L'utilisation d'une telle molécule pourrait être plus spécifique que celle d'inhibiteurs de COX-2, qui bloquent la production de toutes les prostaglandines, y compris celles qui, comme la prostacycline, montrent des effets antitumoraux bénéfiques.
L. Yang et coll., « The Journal of Clinical Investigation », mars 2003, vol. 111, pp. 727-735.
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