Equilibre, certes, mais aussi locomotion ou encore mémoire des trajets, le système vestibulaire nous livre ses secrets. Les travaux menés par l'équipe du Pr Alain Berthoz au Collège de France permettent de mieux comprendre l'implication du système vestibulaire en relation avec la vision notamment dans l'orientation spatiale.
EN interaction avec la vision et les autres capteurs sensoriels, les otolithes jouent un rôle clé dans la détection des mouvements de translation et d'inclinaison de la tête dans l'espace. Les canaux semi-circulaires contribuent quant à eux aux réflexes vestibulo-occulaires et aux réactions d'équilibre, mais ils agissent aussi sur les fonctions cognitives d'orientation spatiale. Les informations vestibulaires combinées avec les données visuelles et les informations proprioceptives arrivent, à travers le thalamus, au cortex pariétal postérieur. Dans cette région, on trouve, au sein de différentes structures, des neurones traitant les différentes informations ainsi obtenues, informations qui subissent une intégration multimodale, pour que la perception d'un mouvement soit unifiée. Le cerveau reconstruit donc l'ensemble de ces informations fournies par les systèmes vestibulaire, visuel et sensitif de façon cohérente.
La part des différentes structures, et plus spécifiquement du système vestibulaire, dans l'orientation, la mémoire spatiale et la locomotion, a pu être étudiée grâce à un robot mobile mis au point dans le service du Pr Alain Berthoz. Le sujet, placé dans un fauteuil, est soumis, dans l'obscurité, à des mouvements alternant translation et rotation. Il doit ensuite reproduire ces déplacements à l'aide d'un joystick. La capacité de reproduction du trajet fait dans l'obscurité apporte ainsi la preuve du rôle des structures vestibulaires dans la mémoire des déplacements. L'information des canaux et des otolithes est donc bien utilisée par le cerveau pour reproduire un itinéraire. Les émotions peuvent néanmoins affecter cette capacité. Une autre expérience le montre : le sujet est à nouveau installé dans son fauteuil, et on le fait tourner de plus ou moins 90° pendant quarante-cinq minutes, en même temps, il est placé dans une chambre virtuelle qui, elle aussi, tourne, mais de 130°. Cette expérience introduit des conflits visiovestibulaires. On demande au sujet de retrouver sa position initiale. L'expérience montre que les hommes y parviennent plus vite que les femmes. Les personnalités anxieuses sont également plus performantes pour ce test. Ces travaux sont d'ailleurs utilisés dans la recherche des bases neurales de l'agoraphobie, qui pourrait comporter un trouble de l'intégration multisensorielle, plus particulièrement au niveau des informations d'origine vestibulaire.
Les structures vestibulaires contribuent aussi au guidage de la locomotion. Les otolithes permettent la stabilisation horizontale de la tête, ils assurent aussi la création d'un référentiel stable pendant la locomotion et au cours des mouvements complexes, explique le Pr Berthoz. Les capteurs vestibulaires stabilisent la tête, ce qui permet le guidage de la locomotion par un mécanisme « top-down », c'est-à-dire de la tête vers les pieds, contrôle qui demande une certaine maturation cérébrale et qui n'apparaît chez l'enfant que vers l'âge de 3 ans. C'est ce qui nous permet de nous affranchir du sol, par exemple lorsque l'on skie sur des bosses, ajoute le Pr Berthoz... Là encore, il faut non seulement un système vestibulaire normal, mais aussi son intégration avec la vision. Le référentiel stable, créé par les capteurs vestibulaires et le regard, contribue ainsi au contrôle de la direction, qui est distinct du contrôle de la distance. Une différence mise en évidence par une autre expérience comparant des patients qui souffrent d'un déficit vestibulaire bilatéral à des témoins sains. Les sujets doivent parcourir les yeux fermés un grand triangle dessiné sur le sol après l'avoir visualisé. Pour effectuer ce parcours dans l'obscurité, le cerveau doit réactualiser le déplacement dans l'espace. Les sujets qui ont un trouble vestibulaire suivent correctement le premier segment (calcul de la distance), mais, dès le premier angle, ils font une erreur de direction. En revanche, la distance totale est respectée. Ils sont donc capables de reproduire la distance, mais pas l'orientation. Cette expérience confirme l'importance du système vestibulaire dans la représentation corticale de l'espace, souligne le Pr Berthoz.
L'ensemble de ces expériences n'a pas qu'un intérêt intellectuel. Leurs résultats servent en effet de base de réflexion pour une nouvelle approche de la prise en charge de certains troubles, notamment dans le cadre de la rééducation après un AVC. L'équipe du Pr Berthoz s'est aussi intéressée à un nouveau syndrome, le syndrome d'asymétrie craniofaciale, caractérisé par une asymétrie exagérée des récepteurs vestibulaires et des cônes orbitaux. Les patients atteints ont une anomalie du port de tête avec une inclinaison latérale permanente, ils présentent des symptômes oculomoteurs souvent associés à des migraines, des troubles de la statique lombaire et une rotation de C2. L'hypothèse étiopathogénique retenue par l'équipe du Collège de France est donc celle d'une asymétrie des capteurs vestibulaires, elle-même responsable d'une asymétrie du schéma corporel.
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