PRATIQUE
Un homme de 34 ans, sans antécédent ni facteur de risque notable, amateur de promenade en forêt, est hospitalisé au mois d'octobre pour prise en charge d'une sciatalgie droite invalidante, résistante à un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien bien conduit. L'histoire débute un mois plus tôt par une sensation de contracture du mollet droit suivie d'une algie de la face postérieure de la cuisse ressentie comme une tension. Le jeune homme ne signale aucun effort favorisant ni traumatisme notable. Les jours suivants sont marqués par des brûlures intolérables et des décharges électriques à recrudescence nocturne, sans fièvre. Malgré une courte accalmie d'une semaine vers le 10e jour d'évolution, les signes vont s'intensifier et imposer l'hospitalisation.
A l'admission, le patient est apyrétique, en bon état général. L'examen clinique surprend : absence de syndrome rachidien, parfaite souplesse lombaire, manuvre de Lasègue négative, réflexes ostéotendineux présents et symétriques, absence de trouble moteur. Il existe à l'inverse une hyperesthésie diffuse du membre inférieur droit. Le reste de l'examen, notamment cutané, est sans particularité. La biologie est peu contributive : absence d'anomalie de l'hémogramme, absence de syndrome inflammatoire, normalité de la fonction rénale, de l'exploration fonctionnelle hépatique et du protidogramme. Les radiographies du rachis lombaire et du bassin sont normales. L'électromyogramme révèle des signes neurogènes périphériques avec ébauche de sommation. La ponction lombaire est en faveur d'une méningite lymphocytaire : liquide eau de roche, stérile, caractérisé par une hyperprotéinorachie (1,1 g/l) et la présence de 60 éléments dont 73 % de lymphocytes.
Il s'agit donc d'un tableau de méningoradiculite rebelle, s'exprimant par une atteinte radiculaire sensitive douloureuse et une réaction lymphocytaire cliniquement muette au LCR. Le diagnostic de neuroborréliose est suspecté dès l'interrogatoire qui précise l'existence de trois piqûres de tiques en juillet lors de promenades dans la forêt du Cranou : l'une au membre supérieur et l'autre au mollet droit (extractions immédiates), la dernière à la face postérieure de la cuisse (tique ôtée après plusieurs heures). La confirmation est apportée par la sérologie de la maladie de Lyme positive en Western-Blot sur plasma (IgM sans IgG). La sérologie sur LCR est négative. Le traitement a consisté en une antibiothérapie par ceftriaxone à la dose de 2 g/j pendant quinze jours par voie veineuse. L'évolution a été marquée par la persistance initiale des signes sensitifs, puis leur régression sous clonazépam (cinq gouttes/j), et enfin la guérison clinique en un mois.
La maladie de Lyme, affection bactérienne due à un spirochète Borrelia burgdorferi transmis par morsure de tique, se manifeste par des signes précoces et tardifs, à l'image de la syphilis. La majorité des cas surviennent entre mai et octobre, période d'activité des arthropodes et de multiplication des contacts hommes-vecteurs. Le diagnostic est relativement aisé lorsque l'anamnèse ou l'inspection clinique permettent de retrouver le point d'inoculation associé à l'érythème chronique migrant (phase primaire). Les choses se compliquent si la piqûre passe inaperçue ou devant un tableau inaugural cardiaque ou articulaire en phase secondaire. Une manifestation neurologique précoce et typique, fréquente bien qu'inconstante, est la méningoradiculite. Les algies parfois accompagnées de paresthésies sont au premier plan. L'intensité et la topographie métamérique rappellent les atteintes zostériennes. Leur recrudescence nocturne a une valeur sémiologique considérable.
Toute radiculite inexpliquée doit amener à réaliser une ponction lombaire et à demander une sérologie de maladie de Lyme. La reconnaissance et le traitement précoce de l'infection à B. burgdorferi permettent en effet la régression rapide des symptômes et évitent surtout les complications cardiaques et articulaires, voire le passage ultérieur à la forme tertiaire. Le traitement de choix des complications neurologiques précoces repose sur les céphalosporines de 3e génération (ceftriaxone 2 g/j I.M./I.V.) pendant deux à trois semaines. La doxycycline (200 mg/j per os) a également montré son efficacité et constitue une alternative. En ce qui concerne le traitement prophylactique éventuel des sujets mordus par une tique, les études divergent car même en zone d'endémie, la présence de B. burgdorferi n'est pas constante. Le consensus paraît cependant se faire sur le traitement préventif des femmes enceintes mordues, étant donné le risque ftal, et sur celui des très jeunes enfants plus exposés aux complications neurologiques sévères. Chez l'adulte sain, le traitement ne sera administré qu'à l'apparition d'une lésion évocatrice d'érythème migrant.
Référence : Ragnaud J.-M. et coll. « Manifestations neurologiques de la maladie de Lyme ». A propos de 25 cas. « Rev Med Interne », 1995 ; 16 : 487-494.
Principales étiologies des méningo-radiculites
Inflammatoire :
- lupus ;
- périartérite noueuse ;
- syndrome de Gougerot Sjögren ;
- sarcoïdose.
Néo-paranéoplasique
Infectieuse : ++
- virus : VIH, EBV, CMV, HSV, VHB, VHC, coxsackie, HTLV, arboviroses ;
- parasite : toxoplasmose, bilharziose ;
- bactérie : mycoplasme, chlamydiae, brucellose, rickettsiose, borréliose.
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