THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
C'est sur la belle traduction de Jean-Michel Déprats, décidemment sur tous les fronts - « Le Marchand de Venise », c'est aussi, bien sûr, lui ! - qu'Irina Brook adosse sa mise en scène de « la Ménagerie de verre », de Tennessee Williams. On attendait beaucoup de cette rencontre et l'on mentirait si l'on n'avouait pas une profonde déception.
On comprend ce qui est l'unique souci de la jeune femme : elle ne veut s'intéresser qu'au personnage de Laura, tout le reste l'ennuie, lui paraît inutile. Elle ne voit pas la pièce, elle ne voit pas le vieux sud de Tennessee Williams, elle ne voit pas les autres protagonistes. Elle ne veut rien entendre de ce qui se dit dans ce texte sublime de la façon dont les êtres tissent eux-mêmes les nuds qui les ligotent et les étouffent. Elle ne voit que la jeune fille, elle ne voit que Romane Bohringer.
Et elle réécrit la pièce du point de vue de Laura. Tous les personnages ici, la mère, le frère - l'ami échappe un peu à ce traitement et du coup on entend vraiment bien la partition de Jim qu'incarne avec beaucoup de finesse Samuel Jouy, délié, vif, juste -, tous les personnages donc, tout le monde de Laura, c'est la ménagerie de verre. Sa mère (Josiane Stoleru), son frère (Serge Avédikian, le narrateur de la pièce, le double de Williams) et elle-même (Romane Bohringer) ne sont que de frêles animaux de verre filé, transparents et fragiles. Irina Brook traduit scéniquement cette pensée en une sorte de chrorégraphie affectée qui vide de leur sang, de leurs humeurs, les personnages. Et cela contraint les acteurs à un jeu tout en affêterie et composition.
Josiane Stoleru, si grande actrice, s'exprime dans un registre sur-aigü qui n'est pas le sien et l'on n'aperçoit que fugitivement la tragique névrose d'Amanda. Serge Avédikian est soumis aux mêmes facéties spectaculaires et perd ce qui est sa personnalité profonde. Romane Bohringer subit le même sort mais parce qu'Irina Brook s'est concentrée sur Laura, on touche parfois, par la grâce de l'interprète, à la vérité de Tennessee Williams dans la pureté, l'innocence, la maturité translucide, la lucidité, la grâce bouleversante de Laura, l'interdite...
Bref, une curieuse soirée. Une mise en scène qui se perd dans des effets au lieu de faire confiance à la puissance exceptionnelle de la pièce. C'est sans doute qu'Irina Brook est trop touchée par l'histoire de Laura. On ne peut lui en vouloir. Mais elle devrait aller à l'os des choses au lieu de vouloir faire affleurer la désespérance du texte en images jolies et fades. Elle a un sens sûr de la direction d'acteur. Il n'y a que le dedans qui compte. Les images, les rubans, les faveurs, c'est inutile ! Elle le sait.
Théâtre de l'Atelier, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée samedi à 17 heures et dimanche à 15 h 30 (01.46.06.49.24). Durée : 1 h 50 sans entracte.
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