Décision Santé-le Pharmacien Hôpital. Pourquoi lancer une campagne d’information grand public en faveur du don de rein par donneur vivant ?
Emmanuelle Bordenave*. L’année dernière, nous avions lancé une campagne d’information à destination des professionnels de la néphrologie, des patients et de leurs proches. L’objectif était de faire passer des messages par l’intermédiaire des infirmières des centres de dialyse ou de coordination de centres de greffes. Nous observons une montée en puissance depuis 2008. A ce moment, 208 greffes de rein étaient pratiquées sur donneurs vivants sur 3 000 environ, soit 8 %. Le taux en 2012 a grimpé à 12 % avec 357 greffes. Avec ce nouveau type de greffes, le nombre de patients greffés croît de 2 % par an.
D. S-P. H. Quels sont les taux en Norvège?
E. B. Les Norvégiens sont des références mondiales tant en ce qui concerne le taux d’accès à la greffe rénale chez les insuffisants rénaux en cas de greffe rénale terminale avec un taux de 70 % que pour les greffes avec donneurs vivants. Pour des raisons climatiques, ils ont débuté leur activité de greffe programmée avec les donneurs vivants. Ils ont ensuite étendu le programme aux donneurs décédés avec des taux de 50 %. L’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas présentent également des bons résultats avec donneurs vivants. Mais à la différence de la France, les programmes avec donneurs décédés sont limités. D’où in fine en France une situation remarquable grâce à l’activité « donneurs décédés » très développée.
D. S-P. H. Les directions hospitalières s’impliquent-elles davantage dans les greffes d’organes ?
E. B. La greffe fait l’objet en matière de planification sanitaire de schémas non pas régionaux mais interrégionaux, sauf en Ile-de-France et à l’île de la Réunion. Ils sont d'ailleurs en cours de renouvellement. Les ARS ont pour mission de bien vérifier que les financements attribués pour l’activité de greffe sont bien distribués. Le bénéfice de la greffe comparé à la dialyse a largement été démontré tant pour la qualité de vie des patients que pour les finances de l’assurance maladie. En 2011, une circulaire DGOS-direction de la Sécurité sociale a fixé région par région l’augmentation du nombre de greffes, avec le pourcentage entre nombre de patients dialysés et greffés. A charge pour les ARS de décliner ces objectifs au niveau des établissements de soins. La mobilisation a porté ses fruits. D’où le lancement de cette campagne aujourd’hui. L’enjeu est d’augmenter le nombre total de greffes et d’éviter le phénomène de vases communicants entre le développement de donneurs vivants qui autorise une activité programmée et la réduction de l’activité greffe avec donneurs décédés réalisée dans l’urgence. Ce qui entraîne en pratique des déprogrammations au bloc opératoire.
D. S-P. H. La réticence des médecins à pratiquer les greffes sur donneur vivant est-elle levée ?
E. B. La résistance était très forte du fait des accidents survenus dans les années 80. Mais l’amélioration technique a joué ici un rôle essentiel. La cœlioscopie permet en effet une réduction nette de la morbidité lors du prélèvement. Or cette technique n’était pas toujours maîtrisée par les chefs de service. Résultat, il y a quatre ans, deux tiers des prélèvements étaient réalisés par laparotomie, un tiers par cœlioscopie. Aujourd’hui, la proportion s’est inversée. Et tend à se rapprocher des statistiques norvégiennes où le taux de cœlioscopie atteint 95 %. L’arrivée aux commandes d’une nouvelle génération formée à cette nouvelle technique et l’incitation financière en faveur de la cœlioscopie ont participé à ce phénomène.
D. S-P. H. Les relations familiales sont-elles modifiées par les greffes avec donneur vivant ?
E. B. Selon une étude rétrospective, 98 % des donneurs déclaraient ne rien regretter de l’aventure et étaient prêts à la refaire. En revanche, les relations familiales un moment très étroites juste avant l’intervention se distendent notamment lorsque la greffe permet les retrouvailles. Entre parents et enfant, il n’y a pas de problème. Entre conjoints, les bénéfices de la greffe sont partagés. La situation est plus délicate lorsque les liens sont plus éloignés, entre cousins. Ces situations exigent une attention particulière des soignants.
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