Des tensions sur fond de convergences

Une crise franco-allemande ?

Publié le 16/09/2007
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NICOLAS SARKOZY a des manières chaleureuses : quand il la rencontre, il embrasse Angela Merkel, qui n'est guère habituée à ce genre d'effusions. Voilà deux personnages que rien ne rapproche sur le plan du caractère : M. Sarkozy est constamment sur scène et joue son rôle avec exubérance ; Mme Merkel est d'une nature extraordinairement modeste qui abrite une calme énergie et une efficacité remarquable.

Entre la flamboyance sarkozienne et la tranquillité merkélienne, il n'y a pas nécessairement antinomie : la chancelière, avec un sourire mi-étonné mi-narquois, semble penser que l'astre présidentiel français la réchauffe pendant ses journées d'hiver, donc qu'il existe une complémentarité entre eux.

Les succès de Merkel.

Les différences entre leurs deux parcours sont plus profondes : venue de l'Est, Mme Merkel n'a conquis le pouvoir que de justesse alors que Nicolas Sarkozy a obtenu un triomphe. Si la popularité des deux personnages est comparable, l'oeuvre de la chancelière – qui a eu plus de temps – est considérable : elle a constitué un gouvernement de coalition gauche-droite dont personne ne donnait cher quand il fut formé ; elle a réussi au-delà de toutes les prévisions le redressement économique de l'Allemagne, au moyen de mesures dont nous discutons âprement chez nous sans même regarder par-delà le Rhin pour nous demander comment ça marche ; et en améliorant les positions socio-économiques de son pays, Mme Merkel est en passe d'achever l'intégration de l'ex-RDA, qui a commencé il y a dix-huit ans.

DES AFFINITES IDEOLOGIQUES PLUS FORTES QUE LES DIFFERENCES ENTRE LES CARACTERES

M. Sarkozy ne peut pas afficher un tel palmarès, mais c'est un débutant. Il parle beaucoup quand Mme Merkel agit davantage et dans un maximum de discrétion ; le président fait vibrer la faible corde réformiste de son peuple, la chancelière est très avancée dans les réformes et enregistre d'excellents indicateurs économiques. Comme elle n'est pas dépourvue d'humour, elle voit arriver la prochaine présidence française de l'Europe (deuxième semestre 2008) avec un effarouchement amusé ; elle imagine sans peine ce que sera alors l'activisme débordant du président français.

Mais on serait bien incapable de trouver la moindre ligne de clivage entre elle et lui sur l'ardente nécessité de la réforme qu'elle a accomplie et de celle qu'il peine à mettre en oeuvre. La gauche critique l'atlantisme du président, qui n'en est pas moins celui de la chancelière ; leurs vues sur l'Iran, sur le Proche-Orient, sur l'Afghanistan et sur l'intégration européenne sont très proches. On peut dire qu'il existe aujourd'hui et pour quelques années une sorte de triumvirat européen (Gordon Brown, Merkel, Sarkozy) dont les affinités n'ont jamais été aussi grandes.

Une relance de l'Europe.

L'Europe, prostrée depuis le « non » franco-néerlandais au traité constitutionnel, va être relancée par le puissant moteur naturel que forment le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne ; ce ne sont pas les palinodies polonaises, le brusque antigermanisme des Varsovie, les incongruités des frères jumeaux Kaczynski qui freineront ce dynamisme.

Il n'y a qu'une ombre : des trois grands pays européens, la France reste le moins exemplaire au niveau des fondamentaux économiques (et des critères de Maastricht). Une politique extérieure qui n'est pas soutenue par une économie forte est rarement convaincante. D'une certaine manière, Nicolas Sarkozy a plus de personnalité que son pays ne l'y autorise ; c'est assurément un faiseur d'accords et un formidable stimulant pour l'Europe. Il lui manque encore de diriger un pays debout, décidé, uni, capable d'inspirer d'autres nations.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8216