EN DONNANT une conférence de presse (ce qu'il n'avait pas fait depuis 1998) sur le thème de l'élargissement de l'Europe, Jacques Chirac souhaitait sans doute évoquer un thème qui exalte sa stature internationale. Certes l'ouverture des Quinze à dix nouveaux Etats constitue un événement historique. On ne peut pas dire cependant que l'Union européenne est ce qui passionne le plus les Français en ce moment, d'autant que le chef de l'Etat n'a pris position ni sur un éventuel référendum sur la Constitution européenne, ni sur l'entrée de la Turquie qui, a-t-il rappelé, n'est pas pour demain.
M. Chirac a dû répondre aussi aux questions de tous ordres qui brûlaient les lèvres des journalistes. Mais, sauf en ce qui concerne la poursuite de la baisse des impôts, qu'il a liée aux résultats économiques du pays, il a laissé ses interlocuteurs sur leur faim. On peut toujours lui dire qu'il aurait mieux fait de changer de Premier ministre, on ne risque pas d'obtenir de lui cet aveu. Il a donc renouvelé sa confiance à M. Raffarin - dont l'autorité est sérieusement mise en question, non seulement par l'opposition mais par le jeu personnel de certains ministres, comme Nicolas Sarrkozy. Et si M. Chirac s'est trompé au lendemain des régionales, il ne le reconnaîtra pas.
Le problème demeure donc. Le gouvernement a besoin d'une crédibilité plus grande pour accomplir sa tâche compliquée : gérer une conjoncture très médiocre tout en poursuivant les réformes. Gonflée à bloc par sa victoire électorale, l'opposition harcèle au Parlement l'équipe de M. Raffarin.
L'incident Sarkozy.
L'incident qui a opposé Nicolas Sarkozy à la gauche est de ce point de vue significatif. Un obscur député socialiste du nom de Martin lui ayant posé, sur le mode ironique, une question sur le rôle qu'il a joué lors de son voyage aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy s'est emporté. Il est vrai que le nouveau ministre de l'Economie et des Finances, qui n'est donc pas celui des Affaires étrangères, a rendu visite à Condoleeza Rice, conseillère du président Bush pour la Sécurité, et Colin Powell, secrétaire d'Etat. Mais ce détour par la diplomatie n'a aucune importance au regard des intérêts de la France. La question avait, par conséquent, quelque chose de provocateur, ce qui a amené M. Sarkozy à rappeler qu'il avait été décoré par l'American Jewish Congress pour sa lutte contre l'antisémitisme. Cela, a-t-il ajouté, ne risquait pas d'arriver à Daniel Vaillant (son prédécesseur au ministère de l'Intérieur) ni aux socialistes « qui ont tout fait pour faire croire aux Américains que la France était devenu un pays antisémite ».
Déclaration bien entendu excessive, qui a choqué les députés socialistes, qui ont quitté l'hémicycle et exigé des excuses. Aucun soupçon d'antisémitisme ne pèse sur le PS. Mais il est vrai que M. Sarkozy a donné l'impression de lutter contre les agressions antisémites avec plus de vigueur que le gouvernement de Lionel Jospin. Il est vrai en outre que le nombre de ces agressions a diminué en 2003. Et il est vrai enfin que les Juifs américains ont salué son effort.
Sur ce point, M. Chirac ne risquait pas de jeter de l'huile sur le feu. Il s'est contenté de dire que la lutte contre l'antisémitisme est la cause de tous les républicains. Mais l'incident décrit bien le climat qui règne en France, entre une majorité tellement accablée qu'elle sort de ses gonds et une opposition qui se voit déjà dans la dernière ligne droite et provoque délibérément, parfois avec une once de perversité, un gouvernement aux abois.
NON SEULEMENT LA DROITE BAT EN RETRAITE, MAIS LA GAUCHE DEVIENT CREDIBLE
L'UMP conteste Raffarin.
Le président peut gérer les attaques de la gauche. Il est plus désarmé sur la fronde de ses propres partisans. A l'UMP, on conteste vivement M. Raffarin, qui ne vient même pas des rangs du gaullisme, et on commence à s'élever contre diverses mesures : par exemple, la suppression d'un jour férié pour financer l'aide aux personnes âgées - et que M. Raffarin vient de transformer en heures supplémentaires, en prononçant un slogan : mettre le travail au service du social. « On embête trop les Français », dit-on à l'UMP. Du travail supplémentaire à la répression routière, nombre de députés de la majorité estiment que le gouvernement fait tout pour se rendre impopulaire.
Ils se trompent. Le mal vient, en réalité, de la persistance du chômage qui appauvrit le pays, freine la consommation, creuse les déficits et rend insolubles tous les problèmes financiers, à commencer par le financement du chômage lui-même. La perte de confiance dans l'avenir se traduit par une perte de confiance à l'égard d'un gouvernement qui a, en outre, l'immense défaut d'être conduit par l'homme qui a conduit la droite à l'échec électoral.
Fait plus grave pour la majorité actuelle : les sondages indiquent que le crédit de la gauche augmente : quatre-vingt-un pour cent des électeurs considèrent que le Parti socialiste est « proche des Français ». Ce n'est pas un mystère : si des élections avaient lieu aujourd'hui, la gauche l'emporterait. A n'en pas douter, M. Chirac ne courra pas le risque dans l'immédiat de dissoudre l'Assemblée, comme il l'a fait en 1997.
Le tableau n'est pas entièrement négatif pour la droite : M. Sarkozy s'efforce de redresser les comptes publics, ce qui augmente d'autant le nombre de ses ennemis dans son propre camp. M. Douste-Blazy prépare tambour battant la réforme du système de santé, souvent dans un grand désordre de déclarations et d'initiatives diverses peu coordonnées avec le travail de son prédécesseur, mais sans s'être aliéné (encore) les autres acteurs de la réforme. Enfin, la croissance sera plus forte cette année que l'an dernier, ce qui ne sera pas suffisant pour réduire le taux de chômage, mais évitera une aggravation du malaise. Il y a un cap à franchir pour la majorité. Mais elle n'arrivera au bout de ses peines que si le rythme de la croissance s'accélère vivement en 2005.
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