UN HOMME de 41 ans a été condamné à trois ans de prison dont deux ferme par le tribunal correctionnel de Marseille pour avoir transmis le virus du sida à sa compagne. Cette dernière avait déposé plainte le 2 mai 2000 pour «tentative d'homicide involontaire» et «mise en danger d'autrui», mais la justice a finalement retenu le délit «d'administration de substance nuisible ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente». L'homme avait vécu quelques mois avec la jeune femme, entre 1998 et 1999. Toxicomane, il avait, au début de sa relation avec elle, accepté de mettre un préservatif avant de lui expliquer que cela le gênait. Ce n'est qu'en 1999 qu'elle a découvert qu'il était séropositif. Lors de l'instruction, l'homme a indiqué qu'il avait à plusieurs reprises interrompu son traitement. Son avocat a expliqué pendant le procès que le fait de nier complètement sa maladie l'aurait empêché d'avertir sa compagne.
Déjà plusieurs condamnations.
Cette condamnation n'est pas la première de ce type en France. En juin 2004, le tribunal correctionnel de Strasbourg avait condamné à six ans d'emprisonnement un homme poursuivi pour avoir contaminé délibérément deux de ses partenaires à l'occasion de rapports sexuels. En novembre 2005, le tribunal de Cayenne (Guyane) avait infligé dix mois de prison ferme à Yves Prépont qui avait contaminé six jeunes femmes, dont l'une avait développé le sida, et en janvier 2005, six ans de prison ferme avaient été prononcés par le tribunal de Colmar à l'encontre de Christophe Moret, qui avait contaminé deux de ses partenaires. En décembre 2006, pour la première fois, une femme, Maria do Carmo Teixeira Carvalho, était condamnée à deux ans de prison, dont quatorze mois avec sursis, pour avoir contaminé son compagnon alors qu'elle se savait séropositive.
Les associations s'étaient émues du risque de pénalisation de la séropositivité. Christian Saout, alors président d'Aides, expliquait au « Quotidien » en décembre 2006 : «C'est paradoxal d'avoir une justice qui condamne parce que l'on n'a pas dit que l'on est séropositif, alors que, dans la société, il est difficile de le dire.»
En mai 2006, un avis du Conseil national du sida réaffirmait le principe de la responsabilité partagée tout en admettant que, «dans certains cas, la responsabilité pénale d'une personne transmettant le VIH semble clairement engagée».
La nouvelle affaire marseillaise fait une fois de plus réagir l'association Act-Up, qui dénonce des «mesures qui visent à la pénalisation de la transmission du VIH, et finalement à celles des séropositif(ve)s». Pour l'association, la prison n'est pas une réponse, compte tenu des conditions sanitaires «notoirement connues pour être incompatibles avec l'accès aux soins et aux traitements dont une personne séropositive a besoin». Ce qui a été condamné, note Act-Up, «c'est le silence d'un homme (cela aurait pu être une femme) sur sa séropositivité». Or, poursuit l'association, «il n'est toujours pas simple de dire sa séropositivité dans notre pays. Et cela même avec la menace de poursuites judiciaires», avant d'évoquer les questions de fond non résolus que soulève la prévention dans le cadre de relations stables ou de couple. Et de s'inquiéter du caractère contre-productif de telles condamnations, qui risquent de «nourrir le silence» plutôt que de le combattre et d'augmenter la stigmatisation des séropositif(ve)s.
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