L'OMS-ONUSIDA a, il y a peu, recommandé l'administration du cotrimoxazole (antifolate, association triméthoprime- sulfaméthoxazole) aux enfants et aux adultes africains contaminés par le VIH, pour la prophylaxie des infections opportunistes. Ce principe était fondé sur les résultats de deux études menées à Abidjan, en Côte d'Ivoire, qui avaient montré une diminution de la morbidité et de la mortalité chez des patients souffrant de SIDA aux stades 2 ou 3, pour une prise quotidienne du produit. Par ailleurs, une autre association antifolate similaire, sulfadoxine-pyriméthamine, efficace et peu onéreuse, constitue l'un des traitements antipaludéens les plus répandus ; il est maintenant recommandé en première ligne dans certaines régions d'Afrique.
La résistance du paludisme aux antifolates tend à se répandre dans les régions d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Est, où la présence du VIH est la plus forte. Ces faits suscitent deux grands types de préoccupations. Une distribution de large envergure de cotrimoxazole fait s'interroger sur l'éventualité d'une augmentation des résistances bactériennes et parasitaires au produit. On peut aussi s'inquiéter du risque de résistance croisée induit par l'usage du cotrimoxazole vis-à-vis de l'association sulfadoxine-pyriméthamine.
Cela ne favoriserait-il pas la sélection de plasmodiums résistants ? Les sujets prenant une prophylaxie par co-trimoxazole alors qu'ils soufrent d'une infection à la fois par le VIH et par Plasmodium falciparum pourraient ne pas répondre au traitement antipaludéen, courant ainsi un risque accru d'une forme sévère du paludisme, potentiellement létale. Les femmes enceintes, les enfants et les sujets fragiles sur le plan immunologique auraient un risque particulier.
Concernée par le sujet, une équipe américaine de Baltimore (Jayasree K. Lyer et coll.) a observé au niveau moléculaire une résistance croisée complète entre la pyriméthamine et le triméthoprime.
Les chercheurs se sont appuyés sur une étude ougandaise chez l'enfant montrant que le traitement antipaludéen par le co-trimoxazole fait sélectionner un allèle DHFR (dihydrofolate réductase) particulier de résistance (mutation ASN 108).
Une question complexe
P. falciparum à ces médicaments. « Nos résultats sont cohérents avec des rapports antérieurs faisant état d'une activité antipaludéenne relativement peu importante du triméthoprime, observent-ils. Il est urgent d'évaluer en clinique l'impact de l'utilisation large du co-trimoxazole sur l'efficacité de l'association sulfadoxine-pyriméthamine. On doit réfléchir à des alternatives au traitement antipaludéen chez les personnes sous prophylaxie par le triméthoprime-sulfaméthoxazole. »
La question des risques et bénéfices de la prophylaxie par le co-trimoxazole en Afrique est complexe, fait remarquer un éditorialiste français (Xavier Anglaret, université Victor-Segalen, Bordeaux). Les constatations cliniques ne suivent pas forcément les observations au niveau moléculaire. Ainsi, dans l'étude ANRS 059, menée chez des adultes entre 1996 et 1998 en Côte d'Ivoire, 75 % des agents pathogènes cultivés après prélèvement chez des individus prenant du cotrimoxazole se révèlent résistants à cette combinaison. Mais l'incidence des infections bactériennes pendant cette période est moitié moindre que dans le groupe placebo. Un exemple qui reflète l'importance du suivi en temps réel des mesures thérapeutiques et prophylactiques mises en place quant à leurs effets cliniques.
« The Lancet », vol. 358, 29 septembre 2001, pp. 1066-1067 et éditorial pp. 1027-1028.
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