De notre correspondant
Les moyens thérapeutiques contre le bacille de charbon inhalé se limitent aux antibiotiques. Mais lorsque les premiers symptômes apparaissent, il est parfois trop tard pour guérir le patient. C'est pourquoi plusieurs laboratoires de recherche américains s'efforcent de mettre au point de nouveaux traitements. Lorsque la fièvre se déclare, le bacille a envahi le système sanguin. La bactérie est certes sensible aux antibiotiques, mais les dégâts causés aux poumons sont souvent irréparables. Selon les équipes de chercheurs engagése dans la mise au point d'un traitement susceptible d'empêcher le bacille de pénétrer dans la cellule, il n'est pas question de renoncer aux antibiotiques, mais d'en compléter l'effet par un autre médicament, de manière à donner à la maladie deux « coups » simultanés.
Comme l'explique le célèbre Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), « la recherche de nouveaux traitements contre le bacille de charbon a toujours été d'un grand intérêt, mais il est clair qu'aujourd'hui elle devient plus urgente ». Aussi a-t-il décidé, en accord avec le Pentagone, d'augmenter le financement des travaux de recherche et d'accélérer la procédure des essais cliniques des nouveaux traitements, dont certains ont déjà été testés sur l'animal.
Au Burnham Institute de San Diego, le Dr Robert Liddington travaille sur la structure atomique du bacille. « Pour la première fois en vingt-cinq ans, quelqu'un est mort du charbon, déclare-t-il au "Quotidien". Cet événement a donné à la recherche un stimulant extraordinaire. » Il explique que lorsque le bacille pénètre dans la peau, il crée une plaie qui peut être facilement soignée par les antibiotiques ; en revanche, le bacille inhalé est infiniment plus dangereux : il infecte le sang et le malade ressent des symptômes très proches de ceux de la grippe, qui s'aggravent bientôt et conduisent au décès. « Vous commencez par vous sentir vaguement malade, et avant même que vous ne pensiez à vous soigner, vous vous retrouvez à l'hôpital sous ventilation », explique le Dr Liddington. « La bactérie produit trois protéines différentes appelées antigène protecteur (on lui a donné ce nom parce qu'elle fait partie du vaccin réservé aux militaires), le facteur dème et le facteur létal. L'antigène protecteur s'accroche aux macrophages du sang et y crée une brèche dans laquelle s'engouffrent les deux autres facteurs. Il contraint les cellules à produire des substances qui, après la mort des macrophages, sont libérées en quantités massives dans la circulation sanguine. » Dans un institut de recherche de l'armée, à Fort Detrick, Maryland, les chercheurs ont examiné des douzaines d'anticorps susceptibles de bloquer ce processus. Deux ont été sélectionnés et envoyés à l'université du Texas, à Austin où ils ont été testés.
Une autre approche
Le Dr John Collier, de Harvard, utilise une approche différente. Il crée des copies altérées de l'antigène protecteur. Il faut plusieurs copies de l'antigène pour créer la brèche dans le macrophage. Il a découvert qu'une seule mauvaise copie suffit à empêcher la brèche de se former. Les deux méthodes ont été utilisées sur des animaux de laboratoire qui ont été protégés contre les effets de la toxine produite par le bacille. Les prochains essais consisteront à injecter le bacille entier et à administrer ensuite à l'animal soit les anticorps, soit l'antigène altéré. De telles procédures ne peuvent être appliquées que dans des laboratoires de haute sécurité. Les chercheurs estiment que le premier essai clinique pourra avoir lieu dans un an.
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