TOUT LE MONDE s’accorde sur les prévisions : il y aura en 2015 près de 2 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit deux fois plus qu’à présent. Professionnels de santé et responsables politiques voient se profiler à brève échéance l’augmentation du nombre de personnes dépendantes. Comment financer, coordonner et professionnaliser leur prise en charge ? Tels étaient les thèmes développés au cours de la 2e conférence annuelle organisée par « les Echos », avec la participation du « Quotidien » (voir notre édition du 30 janvier).
Après que Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a présenté les grandes lignes du plan Solidarité Grand Age, concernant l’amélioration du maintien à domicile, avec la création, chaque année, de 6 000 places supplémentaires en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), le développement de l’hospitalisation à domicile et la multiplication des places en établissements pour personnes âgées dépendantes ainsi que celles offertes par les structures d’accueil de jour ou d’hébergement temporaire, les participants ont débattu du financement de ces mesures.
Les départements prennent notamment en charge 75 % de l’APA (aide personnalisée à l’autonomie), dont bénéficient déjà plus d’un million de personnes. L’APA ne permet pas toutefois d’assurer le maintien à domicile, une prise en charge que plébiscitent huit Français sur dix, selon une étude de la Dress* publiée en 2006.
En effet, «il faut sortir de ce choix binaire: le brancard en urgence ou la maison de retraite», a insisté David Causse, délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France. Elisabeth Hubert, ancien ministre de la Santé, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile, fait de la prise en charge des personnes âgées souffrant de polypathologies l’une des obligations à court terme de l’HAD (hospitalisation à domicile). Elle rappelle que cette structure «concerne les malades de tous âges atteints de pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives et ou instables; qui, en l’absence d’un tel service, seraient hospitalisés en établissements de santé». Cette alternative permet de raccourcir le temps d’hospitalisation des malades dans les services de soins intensifs, à condition que la prise en charge à domicile soit possible. L’HAD se veut «généraliste (dispensant, par exemple, des soins palliatifs) et polyvalente (prise en charge de lourds problèmes neurologiques) », les soins faisant l’objet d’un protocole établi par un médecin coordonnateur.
Elisabeth Hubert entend mieux faire connaître et développer l’hospitalisation à domicile. Il faut que celle-ci conserve son statut d’établissement hospitalier, qu’elle s’appuie sur une approche globale de la prise en charge des patients, des soins dispensés par des professionnels formés et désireux de travailler ensemble, en équipe. L’objectif est de parvenir à 15 000 places d’HAD en 2010. La présidente de la Fédération, tout en reconnaissant que le nombre de personnes âgées pouvant bénéficier d’une HAD va s’accroître, insiste sur l’aspect uniquement médical de la prise en charge ; il ne s’agit en aucun cas de faire du médico-social.
Mais la prise en charge du grand âge exige souvent une aide sociale. Sur 100 seniors «41 ont des ressources mensuelles ne dépassant pas 600euros, 31 se situent entre 600 et 1020euros, 20 plafonnent à 1600 et 8 seulement disposent d’un revenu mensuel supérieur à cette somme», précise David Causse.
L’expérience de Nice.
Afin de rassembler activités sociale et médicale permettant de maintenir la personne âgée dans son cadre de vie, il s’est récemment créé, à Nice, une originale plate-forme gérontologique appelée Cronoss 06** qu’a présentée le Dr Fabien Josseran. A l’origine : les Clic de la ville (Centre local d’information et de coordination), le Ccas (Centre communal d’action sociale) et l’équipe mobile de gérontologie (EMG). Cette union et cette coordination des travailleurs sociaux et des professionnels de santé permettent, d’après les premières observations, de mieux répondre aux besoins des seniors : pas d’hospitalisations intempestives et surtout moins de passage dans les services des urgences peu adaptés à leur cas.
Cette expérience pourrait faire école dans d’autres départements. Car la prise en charge des personnes âgées souffre d’un éparpillement des propositions et de leur empirisme. Résultat : «Chacun des sous-secteurs impliqués travaille à flux tendu. En fait, lorsqu’il y a un problème, on envoie le patient là où l’on trouve de la place, commente Luc Broussy, directeur du cabinet Ehpa Conseil. Autre critique: pourquoi délaisser les Clic, il y en a 500 à 600 dont on n’a pas évalué l’efficacité, tandis que l’on promeut les accueils de jour et les hébergements temporaires, sans que l’on sache, non plus, les bénéfices qu’en retirent les patients. Peut-être vaudrait-il mieux offrir des prises en charge en fonction du degré de dépendance, car il existe toute une palette d’offres.» Des bonnes volontés qui mériteraient d’être harmonisées.
* Direction de la recherche et des études statistiques (ministères de l’Emploi et de la Santé), « Etudes et Résultats » n° 491, téléchargeable sur le site du ministère de la Santé (www.sante.gouv.fr).
** Coordination en réseau d’organisation niçois pour l’optimisation des soins aux seniors.
Une couverture complémentaire du risque dépendance
Lors de la Conférence sur la dépendance, Philippe Bas s’est prononcé pour la mise en place d’une «couverture complémentaire solidaire du risque dépendance», afin d’ «alléger le fardeau pesant sur les familles» qui prennent en charge leurs personnes âgées. Il s’agirait d’une étape vers la «création d’une cinquième branche de la protection sociale» –comme le préconisait la Cour des comptes (« le Quotidien » du 14 novembre 2005) – reposant sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Actuellement, la Sécurité sociale gère l’assurance-maladie, la retraite, les allocations familiales et les accidents du travail-maladies professionnelles. Une fois versée l’APA, le «reste à charge» pour les familles représenterait «en moyennela moitié du coût total de la dépendance, soit de 1000 à 1500euros par mois».
Dans quelques semaines, le ministre délégué annoncera officiellement ses propositions sur le financement de la dépendance des personnes âgées.
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