« TOURNEZ LA PAGE, c'est absolument ridicule, grotesque », lâche le leader de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) après la publication des résultats de la consultation organisée par MG-France. Le Dr Michel Chassang conteste tout d'abord les scores obtenus au regard des questions posées. « Cela n'a aucun intérêt parce que les réponses sont dans les questions, souligne le président de la première centrale syndicale de médecins libéraux. Autant demander aux gens s'ils veulent être riches et bien portants, ou pauvres et malades ! Les médecins généralistes veulent plus de rémunération pour le médecin traitant ? Nous aussi ! Bien sûr que je suis aussi favorable à ce que les généralistes gagnent plus et que je suis aussi pour le C = CS ! Je m'étonne même que les médecins généralistes n'aient pas répondu oui à 100 % ! »
Comme en écho, le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML, autre syndicat représentatif des généralistes et signataire de la convention du 12 janvier), trouve « surprenant » que MG-France n'ait pas obtenu 100 % de « oui » aux questions relatives à la rémunération, tant « la ficelle (était) trop grosse ». Les résultats du référendum de MG-France n'ont donc à ses yeux « aucun intérêt, sauf celui d'amuser la galerie ».
Le président du SML reconnaît que les 11 000 réponses et plus recueillies à la date du 11 mai représentent « un nombre non négligeable de médecins », mais il fait aussitôt remarquer : « L'immense majorité des médecins généralistes [80 %, Ndlr] n'a pas voulu répondre. Et MG-France obtient moitié moins de réponses qu'en 1993 [voir encadré, Ndlr] , ce qui porte un sérieux coup à la crédibilité de ce type de questionnaire... »
A la Fédération des médecins de France (FMF), qui a refusé de parapher le texte conventionnel comme MG-France, le Dr Jean-Claude Régi considère au contraire que ledit référendum ne mérite pas d'être jeté directement au panier. Le président de la FMF « n'est pas du tout étonné » par le rejet à 90 % de la convention. « Ne serait-ce que par la complexité de cette architecture, qui pourrait en être satisfait ? Comment a-t-on pu arriver à un truc pareil ? » s'interroge-t-il. L'alignement de la valeur du C sur celle du CS « est une demande constante de chaque généraliste, ce n'est pas une nouveauté », note le Dr Régi. Quant à la formulation des questions posées dans une telle consultation, il constate qu'il s'agit d'un « art difficile », en connaissance de cause. En effet, son propre syndicat pourrait décider, à l'occasion de la réunion de son bureau le 28 mai prochain, de lancer à son tour une consultation sur la convention auprès de la totalité des médecins libéraux, bien que la FMF ait déjà été devancée dans ce registre par MG-France et l'UDF (« le Quotidien » du 14 avril). En attendant qu'aboutisse cette initiative de la FMF, le Dr Régi estime qu'il convient de « tenir compte » du référendum de MG-France, dès lors que son taux de réponses de 20 % est suffisamment « significatif ».
Et après ?
Les généralistes interrogés par MG-France souhaitent « à 82 % » une reprise des négociations conventionnelles. Il reste que les deux syndicats ayant signé la convention au nom des généralistes ne l'entendent pas de cette oreille, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, c'est « juridiquement impossible », fait valoir Michel Chassang. « Il faudrait renégocier quoi et avec qui ? » ironise-t-il. « La négociation est finie, le texte de la convention est déjà passé au "Journal officiel" et n'a pas été dénoncé en temps et en heure. » Compte tenu de la nouvelle loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance-maladie, MG-France n'était d'ailleurs pas en mesure de faire jouer le droit d'opposition à la convention puisqu'il est « minoritaire » chez les généralistes libéraux, rappelle le président de la Csmf. Bref, « la messe est dite », résume le Dr Chassang.
En outre, il estime que MG-France est mal placé pour critiquer le montant de l'enveloppe financière accordée aux généralistes à travers la convention puisque cette enveloppe a précisément été « négociée et acceptée par tous les syndicats médicaux dans le point d'étape (des négociations conventionnelles) de Jouy-en-Josas » au mois de décembre 2004. Dinorino Cabrera tient en substance le même discours en stéréo. « Renégocier ? Il faut arrêter et passer aux choses sérieuses, déclare le président du SML. On ne peut pas tout avoir. Il y a un moment où il faut arrêter l'agitation et la manipulation médiatique. MG-France n'est plus crédible dans la contestation : le fait qu'ils aient signé à Jouy-en-Josas pour une enveloppe qui a été respectée leur interdit de redemander une négociation de la convention. »
Fidèles à la tradition qui veut que la Csmf et le SML ne peuvent voir MG-France qu'en peinture, les Drs Chassang et Cabrera tirent à boulets rouges sur la politique de son président, Pierre Costes. « MG-France est tombé dans une surenchère et une radicalisation inquiétantes », observe le leader de la Confédération. Il fustige « les artifices » utilisés par le syndicat - de sa manifestation à son référendum en passant par son recours au Conseil d'Etat contre la convention -, alors que «la médecine générale mérite bien mieux que cette agitation stérile ». Le syndicat de médecins généralistes fait « un coup de pub », poussé par un « électoralisme pur », renchérit le président du SML, évoquant la perspective des élections aux unions professionnelles au printemps 2006. Toutefois, avertit le Dr Cabrera, le Dr Costes « devrait se méfier ». « Il a intérêt à faire marcher les médecins référents [dont l'option est supprimée par la convention dans un délai de deux ans, ndlr] dans la maîtrise médicalisée des dépenses, sinon il n'y aura pas les marges financières nécessaires pour obtenir de bons critères de convergence (avec le dispositif du médecin traitant) ». A défaut, conclut le chef du SML, « le piège se refermera » sur les médecins référents défendus depuis 1998 par MG-France. L'attitude de celui-ci est donc « à (son) avis irresponsable et suicidaire ».
A n'en pas douter, la campagne électorale pour les unions régionales de médecins libéraux a bel et bien commencé...
Le précédent de 1993
Il y a douze ans, MG-France agitait déjà le landerneau syndical en organisant un référendum auprès des 50 000 généralistes de l'Hexagone. Plus de 22 000 avaient alors renvoyé un questionnaire. Le nombre de retours à l'occasion de la consultation de 2005 n'est pas définitif, mais il semble indiquer une moindre participation des médecins. « Le référendum de 1993 était la première consultation du genre, tente d'expliquer Pierre Costes . Elle précédait les négociations conventionnelles et les élections aux unions régionales. » Il y a douze ans, quelque 85 % des omnipraticiens avaient répondu par l'affirmative à la question suivante : « Si l'on veut maîtriser les dépenses de santé, faut-il limiter l'accès direct des patients à la médecine spécialisée libérale et hospitalière ? » En outre, 78,2 % des généralistes s'étaient déclarés « favorables à la conclusion d'une convention spécifique à la médecine générale en cas d'échec d'une convention médicale unique pour tous les médecins ». Le référendum, dont les réponses avaient été contrôlées par huissier, avait déclenché les foudres des leaders syndicaux. Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), ne croyait pas les « résultats gonflés » d'un « référendum à la corse ». Le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens de France (Unof), évoquait une « illusion de démocratie » où l' « on fait dire aux gens ce que l'on veut ». Le président de MG-France de l'époque, le Dr Richard Bouton, donnait, lui, une tout autre signification au vote des généralistes : « Nous sommes désormais dans le cadre de la campagne des élections aux unions professionnelles. Les médecins qui ont répondu au référendum ont déjà voté MG-France », déclarait-il sans ambages.
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