Observés au Japon dès les années 1970, les Hikikomori sont dans plus de 80% des cas des jeunes hommes âgés de 15 à 25 ans. Longtemps confondus à tort avec des schizophrènes, ils menaient en général une vie normale avant d’opter pour une existence recluse. Spécialiste de cette question, le Pr Tadaaki Furuhashi enseigne la psychiatrie à Nagoya, mais travaille aussi étroitement avec la Faculté de Médecine de Strasbourg. Dans ce cadre, il a présenté, à Strasbourg, une comparaison franco-japonaise du phénomène, révélant des motivations différentes chez les jeunes reclus.
« Si ces jeunes sont unis par l’angoisse face à la vie, explique-t-il, les Hikikomori japonais s’éloignent de la vie sociale par peu d’un échec à venir, qu’il soit professionnel, universitaire ou sentimental, alors que les jeunes Français se retirent à l’issue d’un tel échec, et non avant. Dans les deux cas, ils peuvent alors rester chez eux pendant des années, parfois toutefois avec quelques sorties très précisément balisées, et offrent souvent l’image de jeunes rivés sur les jeux vidéo ou les réseaux sociaux, grands consommateurs de cannabis. » Selon le Pr Furuhashi toutefois, le jeu vidéo et le joint sont surtout, pour eux, une manière d’occuper leur temps et non le facteur déclenchant de leur situation.
Espace de dialogue
Pour les familles japonaises, compter un Hikikomori parmi les siens est une véritable honte, qu’elles cherchent souvent à cacher. Rien de tel en France, mais les familles sont souvent totalement désemparées. C’est pour cette raison que l’association Ithaque, spécialisée dans la prise en charge des comportements addictifs, a mis en place un espace de dialogue pour les familles (1), dans lequel elle propose tous les mardis des consultations spécialisées sur le thème des Hikikomori. Animée par une équipe médicale et psychologique formée par le Pr Furuhashi, cet espace entend avant tout dédramatiser la situation et aider les parents concernés. Ceux-ci détiennent de toute manière, au propre comme au figuré, la clé qui permettra aux soignants de rencontrer ces jeunes et de les aider, non pas comme des malades qu’ils ne sont pas, mais par une approche psychothérapeutique adaptée à leur situation.
Aussi terrifiante que puisse apparaitre parfois l’image du Hikikomori enfermé à vie dans sa chambre, beaucoup d’entre eux retrouvent une vie « relativement normale » après quelques années, tant au Japon qu’en France. Mais le taux de suicide est élevé chez ces jeunes, et certains restent cloîtrés pendant des périodes extrêmement longues, avec des conséquences dramatiques lorsque des parents octogénaires doivent continuer à héberger et nourrir des « enfants » Hikikomori de cinquante ans ou plus.
Un million au Japon
Si l’on ne connait pas parfaitement les causes qui mènent à ces situations, cinq critères définissent le statut d’Hikikomori, dont le fait d’être cloîtré depuis au moins six mois, sans lien social autre que familial, et en refusant toute responsabilité. Le Japon compterait 1 million d’Hikikomori, mais aucune statistique précise n’est possible en France, selon le Pr Furuhashi qui précise toutefois que l’Italie, à peine moins peuplée que la France, en compterait 300 000. Très suivie, sa présentation strasbourgeoise a donné aussi la parole à plusieurs jeunes Alsaciens qui, après être restés volontairement cloîtrés pendant plusieurs années, ont retrouvé aujourd’hui une vie normale et une activité professionnelle.
(1) Association Ithaque/ Détours Jeunes, 12 rue Kuhn, 67000 Strasbourg, T. 0388520404
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature