UNE FOIS n’est pas coutume, c’est un fait clinique, peu ou pas recensé par les références bibliographiques, qui fait l’objet d’un article dans « la Presse médicale ». Il émane de l’équipe de tabacologie du Pr Gilbert Lagrue (hôpital Albert-Chenevier, Créteil). A titre de démonstration, trois cas cliniques étayent leur description de la constipation survenant dès le début du sevrage tabagique.
En fait, la constipation n’est pas incluse dans la liste des symptômes accompagnant le sevrage tabagique. Et pourtant, l’équipe s’en inquiète auprès de ses patients. Elle est décrite comme opiniâtre, accompagnée de troubles fonctionnels importants (ballonnement avec sensation de gonflement intestinal diffus). Cette constipation peut constituer un motif de reprise du tabagisme.
Les trois cas cliniques présentés sont d’ailleurs assez représentatifs de cette description clinique. L’équipe rapporte les observations de trois patientes de plus de 50 ans. Elles consommaient toutes de 30 à 40 cigarettes par jours. Dès le premier ou le deuxième jour de sevrage est apparue la constipation. Les trois patientes avaient déjà fait l’expérience de cette relation de cause à effet. Elles avaient aussi remarqué, dès la reprise du tabac, la restauration de la fonction intestinale.
Des sels de magnésium.
L’attitude thérapeutique a consisté en la prescription de sels de magnésium. Mais l’effet du traitement s’est estompé, chez les patientes, au bout de quelques semaines. Il a donc été remplacé par de la néostigmine, 1 ou 2 comprimés par jour (Prostigmine, qui n’existe plus sous cette forme), chez deux patientes, et par de la pyridostigmine, 1 ou 2 comprimés par jour, chez la troisième. La thérapeutique parasympathomimétique a été rapidement efficace. Elle a été poursuivie pendant six à huit mois selon les cas, après un ajustement des doses.
La littérature sur ce thème comporte une étude récente auprès de 514 fumeurs parvenus à un sevrage. Une constipation a été relevée dans 17 % des cas. Le symptôme est indépendant du score global de sevrage, notamment des troubles du sommeil ou de l’humeur. «L’expérience clinique a montré l’existence d’un lien chronologique étroit entre cigarette du matin et trouble du transit intestinal», relèvent les auteurs.
Reste à expliquer le phénomène. Il relève de données pharmacologiques classiques. La nicotine se substitue à l’acétylcholine sur les récepteurs à la nicotine. Au niveau du tractus intestinal, elle stimule le système parasympathique et augmente de ce fait le tonus et le péristaltisme. A l’inverse, à l’arrêt brutal de la nicotine, le tonus et la motilité gastro-intestinale diminuent. Ce qui s’accompagne d’une distension colique. Incidemment, le médecin comprend d’emblée l’inefficacité des laxatifs de lests dans cette indication. Il semble plus logique d’avoir recours à des molécules susceptibles de stimuler le péristaltisme, comme la néostigmine ou la pyridostigmine. Il s’agit de parasympathicomimétiques ayant aussi une action anticholinestérasique. Elles provoquent une réapparition du tonus musculaire lisse iléal et colique, ainsi que des contractions péristaltiques.
La pyridostigmine est la seule thérapeutique adaptée. La posologie est d’un comprimé matin et soir, en prévention des atonies intestinales. Son délai d’action est de deux heures.
Quelques limites.
L’équipe de Gilbert Lagrue admet quelques limites à son étude. Il s’agit tout d’abord d’un recrutement de consultation de tabacologie, aux patients très dépendants et, donc, non représentatifs. Cependant, la constipation peut également survenir chez des fumeurs peu dépendants, mais prédisposés. Le constat clinique ne repose que sur du déclaratif et non sur une étude objective. L’interprétation pharmacologique, enfin, n’est fondée que sur des données biologiques classiques et n’a pas été prouvée par des investigations.
« La Presse médicale », tome 35, n° 2, février 2006, cahier 1, pp. 246-248.
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