Il fallait une réponse à une question en suspens depuis qu'est connu l'effet protecteur des activités de loisir sur le risque de maladie d'Alzheimer : la protection est-elle réelle ou s'agit-il d'un biais dû à une exclusion des études de sujets en phase préclinique de l'affection ? Joe Verghese et coll. (New York) la fournissent dans le « New England Journal of Medicine » : les loisirs de type cognitif réduisent effectivement le risque de survenue d'une démence.
La méthodologie la plus apte à fournir des données valides, dans ce cas, était celle de l'étude prospective. Les auteurs se sont donc fondés sur la Bronx Aging Study, enrôlant des volontaires âgés de 75 à 85 ans et vivant en maison de retraite. Indemnes de démence au départ, les 469 personnes ont été suivies pendant une médiane de 5,1 ans. En fait, les enrôlements ont été réalisés entre 1980 et 1983, l'étude a été close en 2001. La fréquence de participation à des activités de loisir (tant cognitives que physiques) a été évaluée au début, puis régulièrement. L'unité de mesure a été le nombre d'activités par jour et par semaine.
Le score d'activité cognitive
Sur la totalité de la période de suivi, 124 personnes ont présenté une démence (61 Alzheimer, 30 vasculaires, 25 formes mixtes et 8 autres formes). Parmi les loisirs, la lecture, les jeux sur table, la danse et jouer d'un instrument ont été associés à une réduction du risque de démence. Plus précisément, une augmentation d'un point dans le score d'activité cognitive (soit une activité quotidienne de plus par semaine) réduit le risque d'Alzheimer de 7 % et la probabilité de démence à 0,93 %. Les chiffres sont plus démonstratifs dans le tiers de sujets dépassant 11 activités par jour. Leur risque de démence est de 63 % plus faible que dans le tiers le moins actif. Ou bien, encore, faire des mots croisés 4 fois par semaine abaisse le risque de 47 % par rapport à une grille hebdomadaire. Au passage, les chercheurs notent l'absence d'influence de l'augmentation d'un point dans le domaine de l'activité physique.
L'association constatée, précisent les médecins américains, persiste ensuite la prise en compte de facteurs tels l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, l'existence ou non d'une affection chronique et le statut cognitif de base.
Trois niveaux d'explications possibles sont proposés.
Déclin de la mémoire sept ans avant
Tout d'abord, classiquement, la présence d'une démence préclinique peut nuire à la participation aux activités de loisir. Mais les auteurs rappellent avoir déjà publié que le déclin de la mémoire débute sept ans avant le diagnostic de démence. En conséquence, ils ont exclu ceux chez qui le diagnostic a été porté dans les sept premières années après l'enrôlement.
Deuxièmement, des facteurs d'erreur non évalués ont pu intervenir. Notamment la diminution des activités de loisir pourrait être un marqueur très précoce, antérieur à l'altération des tests cognitifs. Ou bien, le génotype de l'apolipoprotéine E n'a pas été déterminé.
Enfin, la participation à ces activités cognitives semble authentiquement ralentir le processus dégénératif, même si le travail ne montre pas l'inverse (une faible activité augmente le risque).
Dans un éditorial, Joseph T. Coyle (Boston) apporte une explication supplémentaire, celle de la « réserve cognitive » : « Posséder des ressources intellectuelles importantes peut masquer les dommages sous-jacents associés aux premières étapes de la démence, retardant ainsi la survenue des symptômes. »
« New England Journal of Medicine », vol. 348, n° 25, 19 juin 2003, pp. 2489-2490 (éditorial) et 2508-2516.
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