De notre correspondante
Deux cents médecins et acteurs de santé ont participé durant deux jours à la conférence de consensus organisée par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) sur le saturnisme.
L'intoxication par le plomb de l'enfant et de la femme enceinte reste un problème d'actualité : on estime à 85 000 le nombre d'enfants de moins de 6 ans touchés par cette pathologie. Essentiellement dû à des facteurs environnementaux - habitat ancien présentant des peintures au plomb et sites industriels polluants -, le saturnisme induit chez l'enfant des troubles du développement psychomoteur et intellectuel ; chez la femme enceinte, l'exposition à de fortes doses peut entraîner des malformations foetales.
Devant l'insuffisance du dépistage en France, l'ANAES a organisé une conférence de consensus pour mieux identifier les enfants à risque et définir les modalités de prise en charge de ceux qui sont intoxiqués. Les nombreuses interventions présentées au cours de ces deux journées ont montré la difficulté d'agir sur une pathologie qui touche autant au domaine social que sanitaire.
A Roubaix, où l'on recense jusqu'à 16 % d'enfants contaminés dans les quartiers les plus anciens, la ville mène depuis plusieurs années une politique de prévention parallèlement au relogement des familles. « Nous essayons d'associer les médecins de famille et la médecine scolaire, explique Hubert Ythier, pédiatre au CH de Roubaix. Les mesures d'hygiène sont difficiles à faire passer auprès de la population touchée. Les familles ne parlent pas toujours français et les informations données sont parfois mal comprises. »
Pour les problèmes de relogement, l'équipe roubaisienne travaille en concertation avec les organismes HLM pour trouver des « logements-tiroirs » le temps de procéder à la rénovation des logements vétustes.
Intervenir sur l'environnement
A Aubervilliers, le service communal d'hygiène et de santé a opté pour des équipes mixtes associant médecins et techniciens du bâtiment, pour proposer un intervenant unique auprès des familles. Avec ce mode d'organisation, le délai entre le dépistage et le relogement est tombé à quelques mois. Chaque année, une centaine de logements sont ainsi traités. Dans cette commune, 39 % des enfants dépistés en 1992 présentaient des taux de plombémie supérieurs à 100 µg/l ; grâce aux actions de dépistage conjuguées aux programmes de relogement, ce taux est tombé à 13 %.
Le problème est encore plus crucial dans les cas de pollution d'origine industrielle, car la population touchée est alors beaucoup plus vaste, comme c'est le cas à Métaleurop. Ici, ce sont dix communes et 60 000 habitants qui sont exposés au risque de saturnisme. Les dépistages effectués auprès des enfants de 0 à 6 ans ont révélé jusqu'à 30 % d'enfants dépassant le seuil de 100 µg dans la commune d'Evin Malmaison. « Les enfants sont exposés à cette pollution par le plomb dans tous leurs lieux de vie : la maison, l'école, le jardin, explique Jean-Marie Haguenoer, professeur de toxicologie à Lille. Malgré la prévention primaire, tant que l'on n'interviendra pas sur leur environnement, on ne pourra pas améliorer ces taux ! »
D'où l'importance de cette conférence de consensus. Après les deux journées de débat public tenues à Lille, les spécialistes se rencontreront à huis clos pour proposer leurs recommandations en matière de prévention et de dépistage. Ce texte, présenté à la presse le 2 décembre prochain, servira de base aux pouvoirs publics pour élaborer leur programme de lutte contre le saturnisme.
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