Par le Pr JACQUES POUREL*
LA BORRELIOSE DE LYME est une zoonose, transmissible à l'homme par la piqûre de tiques ( Ixodes ricinus en Europe). Elle est due à un complexe bactérien composé d'une douzaine d'espèces. Trois d'entre elles sont la cause de la maladie en Europe. Elles manifestent un organotropisme distinct : articulaire pour Borrelia burgdorferi stricto sensu (seule espèce isolée aux Etats-Unis), neurologique pour B.garinii, cutané pour B.afzelii. Le génome B.burgdorferi se singularise par l'abondance du matériel plasmidique ; il confère au germe de remarquables facultés d'adaptation, face à un environnement changeant et hostile. L'incidence de la maladie s'accroît dans le nord-est des Etats-Unis, notamment dans le Connecticut, où se trouve le comté de Lyme qui lui a donné son nom. En France, l'incidence culmine en Alsace et seules les régions très proches de la Méditerranée et la haute altitude sont indemnes. Les tiques vectrices doivent se protéger de la dessiccation sous des abris végétaux où elles se tiennent à l'affût, surtout de mai à août, non seulement dans les zones rurales et boisées, mais aussi dans les espaces péri-urbains (jardins, haies…). Ainsi, les activités à risque sont professionnelles, mais aussi de loisir. Le risque de contamination après morsure par une tique demeure difficile à quantifier, dépendant, entre autres, du taux local d'infection des tiques (généralement inconnu) et du délai de leur retrait.
Clinique.
La phase primaire de la maladie (Early Localised Lyme Borreliosis) est caractérisée par l'érythème migrant, manifestation typique, mais passant parfois inaperçue, qui survient quelques jours à quelques semaines après l'inoculation. Il se présente comme un érythème annulaire centrifuge, atteignant plusieurs centimètres. Sa migration est très inconstante. L'antibiothérapie met à l'abri des manifestations ultérieures. La phase secondaire (Early Disseminated Lyme Borreliosis) est dominée, en Europe, par les manifestations neurologiques. Il s'agit principalement de méningo-radiculites (méningite lymphocytaire), avec des douleurs intenses et une évolution favorable durant environ deux mois. La paralysie faciale, parfois bilatérale, est plus fréquente chez l'enfant. Une atteinte cardiaque peut s'observer (bloc auriculo-ventriculaire). A la phase tertiaire (Late Lyme Borreliosis) peuvent survenir, de façon isolée, des manifestations neurologiques très diverses, centrales ou périphériques, des arthrites et la tardive acrodermatite chronique athrophiante. L' « arthrite de Lyme » est signalée, aux Etats-Unis, dans plus de la moitié des cas non traités, mais elle est beaucoup moins fréquente en Europe. Elle commence à se manifester entre deux semaines et deux ans après le début de l'affection, donc possiblement dès la phase secondaire. Elle prend la forme d'une mono- ou d'une olygoarthrite asymétrique qui touche les grosses articulations (genoux, où un kyste synovial est fréquent) et elle évolue par accès de durée variable. Des signes d'enthésite l'accompagnent volontiers, renforçant la similitude clinique avec les manifestations périphériques des spondylarthropathies et avec certaines formes d'arthrite juvénile idiopathique. Le liquide articulaire est inflammatoire. Un passage à la chronicité s'observe dans environ 10 % des cas, avec développement possible de lésions structurales érosives ; il est attribué à la persistance d'un faible nombre de germes échappant aux défenses de l'hôte, à des phénomènes auto-immunitaires… Une myosite peut se développer au voisinage des arthrites. L'arthrite de Lyme est la seule manifestation rhumatologique caractéristique de l'affection. Mais des arthralgies isolées et des myalgies, non caractéristiques, sont fréquentes, en particulier à la phase initiale et de dissémination précoce de l'affection. Enfin, le syndrome « post-Lyme », proche des fibromyalgies, demeure discuté.
Diagnostic et interprétation des sérologies.
Le diagnostic de la borréliose de Lyme nécessite des tests sérologiques : ELISA, puis, si le résultat est positif ou douteux, Western-Blot de confirmation. Leurs performances s'accroissent, mais leur interprétation demeure délicate. Il faut souligner que, en zone endémique, une séropositivité n'est pas rare dans la population générale, chez les sujets sains, ce qui entraîne des confusions diagnostiques par excès lorsque les tests sérologiques sont demandés dans des situations cliniques atypiques ou non caractéristiques. Le diagnostic de l'arthrite de Lyme exige la démonstration de la production de multiples anticorps IgG spécifiques. Dans les cas douteux, l'amplification génique par PCR, sur le liquide, et peut-être mieux, sur le tissu synovial, permet une confirmation ; la culture est difficile et demeure réservée à des laboratoires très spécialisés. En cas de méningo-radiculite, la démonstration de la synthèse intrathécale d'IgG spécifiques est attendue.
Traitement et prévention.
Selon le consensus actuel, le traitement de l'arthrite de Lyme fait appel à la doxycycline, 200 mg/j peros pendant 21 à 28 jours, ou à l'amoxicilline orale, 1 g x 3/j pendant la même durée. En cas d'échec ou de chronicité, il est proposé d'avoir recours à la même dose de doxycycline pendant 30 à 90 jours ou de prescrire de la ceftriaxone IM/IV 2 g/j pendant 14 à 21 jours. La doxycycline est contre-indiquée avant l'âge de 8 ans.
Le traitement des méningo-radiculites repose, en première ligne, sur la ceftriaxone parentérale 2 g/j pendant 21 à 28 jours. Un contrôle sérologique de l'effet de l'antibiothérapie est inutile.
La prévention primaire de la maladie repose sur l'information du public, la protection par des vêtements adaptés lors d'activité à risque en zone d'endémie, l'usage de répulsifs cutanés et vestimentaires (sauf chez l'enfant).
La prévention secondaire nécessite de rechercher les tiques et de les retirer, mécaniquement, le plus tôt possible, après une activité exposée.
L'antibioprophylaxie systématique après piqûre de tique n'est pas recommandée. En zone endémique, elle sera cependant discutée dans des situations à haut risque de contamination, chez la femme enceinte, chez l'enfant de moins de 8 ans et chez l'immunodéprimé.
* CHU de Nancy.
(1) Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives, 16e conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse, Paris, 13 décembre 2006 (voir la rubrique « Actualités » sur la page d'accueil du site de la SFR www.rhumatologie.asso.fr).
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