La survenue d'une réaction allergique au cours d'une anesthésie n'est pas fréquente. L'incidence de ce type de réaction est estimée entre 1/3 500 et 1/13 000 anesthésies. La forme la plus grave est le choc anaphylactique. Les médicaments le plus souvent en cause sont un curare, un antibiotique ou le latex. Le retard à la mise en route du traitement est préjudiciable au patient. Ce traitement est maintenant bien standardisé.
IL FAUT RETENIR que ces réactions sont des réactions d'origine immunologique, par la complexation des antigènes (pour les médicaments injectés) avec des immunoglobulines de type E synthétisées par le patient lors d'un contact préalable. Ce contact est le plus souvent passé inaperçu. Dans ce cas, la réaction est une réaction allergique, appelée réaction d'hypersensivité médiée par les IgE. D'autres anticorps peuvent être en cause (les immunoglobulines de type G), et la réaction est alors appelée réaction d'hypersensivité non médiée par les IgE. Ces deux mécanismes représentent ce que l'on appelle classiquement une réaction allergique. La gravité des réactions va guider la thérapeutique à mettre en oeuvre. Il est donc nécessaire de coter la gravité du choc selon une échelle standard ( cf. tableau).
Le choc allergique évolue en trois phases successives. Dans un premier temps, on observe une baisse de la postcharge, avec diminution des résistances vasculaires systémiques, et une tachycardie. Les pressions de remplissage ventriculaire restent inchangées, et le débit cardiaque augmente. C'est un tableau de choc hyperkinétique. Sans traitement adapté, la vasodilatation s'étend au secteur veineux capacitif et provoque un effondrement du retour veineux conduisant à une diminution du débit cardiaque, malgré l'augmentation de la fraction d'éjection ventriculaire. Si le patient est déjà intubé et ventilé, toute augmentation de la pression intrathoracique va aggraver la baisse du débit cardiaque, et le risque est celui d'un arrêt par désamorçage du coeur.
La fraction du débit cardiaque destinée aux organes les mieux perfusés est augmentée, et ces circulations sont préservées. Puis apparaît un tableau de choc hypokinétique hypovolémique, secondaire à l'extravasation plasmatique transcapillaire. Ainsi apparaît un érythème, puis un prurit par la stimulation de récepteurs cutanés. D'autres signes cutanés, comme une urticaire géante, peuvent être observés. Quand le choc anaphylactique survient à l'induction anesthésique, avant un geste chirurgical ni urgent ni vital, il est raisonnable de le reporter. Après le début du geste chirurgical, la conduite à tenir (interruption, accélération ou simplification du geste opératoire) doit être prise d'un commun accord avec l'équipe chirurgicale. Si le geste chirurgical doit être poursuivi, l'anesthésie doit être entretenue avec des agents peu histamino-libérateurs, et le chirurgien doit simplifier le geste pour en raccourcir la durée.
Dans les réactions de grade I, le risque d'oedème des voies respiratoires est faible. Il est possible de laisser le patient en ventilation spontanée. Il faut rapidement contrôler les voies aériennes supérieures à partir du grade II, car un oedème laryngé peut rendre une intubation ultérieure difficile. La ventilation en oxygène pur doit être instaurée de principe chez ces patients, en mode manuel en cas de bronchospasme sévère.
Le traitement du bronchospasme fait appel aux bronchodilatateurs, relaxant le muscle bronchique lisse.
Les classes pharmacologiques actives à utiliser en première intention sont les bêta 2-adrénergiques (salbutamol). Ils sont administrables soit en inhalation, soit en intraveineux, en cas d'échec de l'inhalation. Il ne faut pas trop attendre pour recourir à l'adrénaline en cas d'échec d'un bêta 2-adrénergique si l'état hémodynamique est précaire. Les glucocorticoïdes n'ont un effet bénéfique que pour la prévention de la phase tardive du choc anaphylactique.
Remplissage et vascoconstricteur.
Le traitement des complications cardio-vasculaires est réalisé par un remplissage associé à l'utilisation d'un vasoconstricteur. L'administration des anti-H1 à la phase aiguë du choc anaphylactique reste controversée. Le choix du vasoconstricteur est capital. Le vasoconstricteur de première intention est l'adrénaline, même devant une tachycardie. Par son action sur les récepteurs, elle restaure une vasoconstriction périphérique et diminue l'extravasation. Elle a des effets bêta 1-inotrope et chronotrope sur le muscle cardiaque et des effets bêta 2-bronchodilatateurs. Enfin, au niveau cellulaire, elle augmente le contenu en AMPc et diminue le relarguage des médiateurs de l'inflammation et de l'anaphylaxie. Les RPC de la Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar) ont établi des doses initiales à injecter pour traiter les effets cardio-vasculaires du choc selon sa sévérité. Ainsi, la dose initiale proposée est de 10 à 20 mg pour les réactions de grade II ; 100–200 mg pour les réactions de grade III. Ces injections sont à répéter toutes les 1 à 2 minutes, jusqu'à restauration d'une pression artérielle suffisante. En cas d'arrêt cardiaque (grade IV), les mesures habituelles de réanimation, selon les recommandations de la Sfar, sont à entreprendre, avec massage cardiaque externe et l'injection d'adrénaline par bolus intraveineux de 1 mg toutes les 1 à 2 minutes, voire 5 mg à partir de la troisième injection, si nécessaire. En cas d'inefficacité de l'adrénaline, il est possible de recourir à une perfusion de noradrénaline. Le remplissage vasculaire commence par des cristalloïdes, puis des colloïdes. Si un soluté de remplissage peut être à l'origine du choc anaphylactoïde, il faut faire ce remplissage vasculaire par une cristalloïde. Le volume à perfuser varie selon l'intensité du choc (30–50 ml/kg). La prise en charge d'une réaction allergique survenant au cours d'une anesthésie reste une urgence thérapeutique, même dans les réactions de faible grade de sévérité. La mise en route tardive du traitement adapté par l'utilisation d'autres moyens thérapeutiques que l'adrénaline et les bêta-adrénergiques dans les réactions graves est inefficace et préjudiciable pour le patient. Les travaux expérimentaux récents confirment que l'adrénaline est l'agent vasoconstricteur de choix dans le choc anaphylactique.
D'après la communication du Dr Jean-Marc Malinowski, Nantes.
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