Dans la maladie cœliaque, il existe une prolifération de lymphocytes intra-épithéliaux, au sein desquels peut se développer une population clonale évoluant vers un lymphome T de haut grade, au pronostic très péjoratif. Les espoirs thérapeutiques se portent sur le traitement de la forme lymphomateuse de bas grade, appelée sprue réfractaire, afin de bloquer l'évolutivité vers un stade invasif.
LA MALADIE CŒLIAQUE est une pathologie auto-immune dirigée contre un antigène alimentaire, la gliadine, présente dans le gluten. Il existe un terrain génétique prédisposant retrouvé chez 95 à 99 % des patients, représenté par un sérotype HLA DQ2 ou, plus rarement, DQ8. La maladie cœliaque est caractérisée histologiquement par une atrophie villositaire associée à une hyperplasie des lymphocytes intra-épithéliaux, dont la prolifération serait liée à une hyperproduction d'IL15 par les entérocytes, induite probablement par la gliadine.
Jusqu'à encore quelques années, la maladie cœliaque était considérée comme une pathologie pédiatrique rare, diagnostiquée chez des enfants présentant un tableau clinique caractéristique associant des diarrhées, un amaigrissement, des douleurs abdominales et des signes de malabsorption. En réalité, grâce au dosage sanguin d'anticorps spécifiques, on sait que cette maladie touche aussi des adultes sous des formes frustes, atypiques ou même asymptomatiques. Sa prévalence serait de 1 % dans tous les pays du monde, excepté en Asie. On estime, en France, que seulement 10 % des malades sont diagnostiqués. Les formes frustes peuvent se traduire par des signes cliniques variés : anémie isolée par carence en fer, folates ou vitamine B12, élévation des transaminases ou hépatopathies plus sévères, troubles intestinaux non spécifiques d'allure fonctionnelle, troubles neurologiques, ostéoporose inexpliquée, problèmes gynécologiques à type de stérilité, aménorrhée, avortement spontané, hypotrophie fœtale, ou encore agrégation de maladies auto-immunes. Le diagnostic de ces formes atypiques repose sur des biopsies intestinales du grêle et du duodénum, sur le dosage sanguin des anticorps anti-endomysium, anti-transglutaminase et anti-gliadine (le moins spécifique), sur l'observation d'une amélioration clinique et biologique après régime sans gluten et, dans quelques cas difficiles, sur le typage HLA. Le seul traitement de cette maladie est l'exclusion complète du gluten de l'alimentation. Mais la compliance au régime chez l'adulte est médiocre, estimée à moins de 50 % en France. Le recours à une diététicienne entraînée et à des associations de malades favorise l'adhésion au traitement.
Lymphomes T de haut grade.
Une des complications, rares, mais au pronostic très péjoratif, de la maladie cœliaque est le développement, à partir de la population de lymphocytes intra-épithéliaux, d'un lymphome T de haut grade. Ces lymphomes constituent la principale cause de décès des maladies cœliaques dans les études de suivi longitudinal. Le régime sans gluten semble avoir un effet protecteur, alors que le risque est multiplié par 80 en cas de non-suivi du régime.
La majorité des lymphomes T de haut grade surviennent chez des patients de plus de 50 ans et ont une localisation intestinale avec des ulcérations multifocales. Des localisations extra-digestives sont également possibles, avec des atteintes cutanées, pulmonaires, hépatiques ou cérébrales. Le type cellulaire majoritaire est CD3+, CD8-, CD103+. Dans la moitié des cas, le diagnostic de lymphome est porté sur une maladie cœliaque connue, devant un patient qui développe une résistance au régime sans gluten et présente des signes d'alarme à type d'amaigrissement, de fièvre, de douleurs abdominales, d'hémorragies intestinales, et parfois de signes cutanés avec hyper-éosinophilie sanguine. Le diagnostic histologique est aujourd'hui facilité par le développement des entéroscopies par vidéo-capsule ou des entéroscopies à double ballon. Mais, dans l'autre moitié des cas, le lymphome est découvert devant un tableau à présentation chirurgicale (syndrome occlusif, hémorragies intestinales, perforation) et révèle la maladie cœliaque.
Le pronostic de ces lymphomes est très péjoratif avec une survie à cinq ans de 10 à 20 %. Le traitement fait appel à des chimiothérapies non codifiées type CHOP-like. Des greffes de moelle peuvent être proposées. La chirurgie est réservée aux formes compliquées ou très localisées.
La sprue réfractaire.
Entre la maladie cœliaque et le lymphome T de haut grade, il existe une forme de passage : la sprue réfractaire, équivalent d'un lymphome T de bas grade. Histologiquement, cette forme ressemble à une maladie cœliaque non compliquée, avec atrophie villositaire et prolifération des lymphocytes intra-épithéliaux. Ce n'est que l'analyse immuno-histochimique qui permet de faire le diagnostic en montrant qu'il existe un phénotype anormal des lymphocytes intra-épithéliaux avec expression intra-cytoplasmique du CD3, perte des marqueurs habituels T de surface (CD8, CD4 et TCR) et expression du CD103. Dans 80 % des cas, on détecte également un réarrangement clonal du TCRg associé à une anomalie cytogénétique : la trisosmie 1q. Le diagnostic de sprue réfractaire peut être suspecté devant un profil clinique évolutif particulier associant des ulcères de l'intestin grêle (appelés jéjunite ulcéreuse), des cavitations mésentériques, un hyposplénisme, parfois une colite microscopique qui correspond à la diffusion des lymphocytes clonaux à l'ensemble du tube digestif. La population clonale peut également être présente dans des localisations extra-digestives : sang, peau et poumons. La moitié des sprues réfractaires vont évoluer vers un lymphome invasif de haut grade.
Leur traitement n'est pas codifié. La corticothérapie peut apporter une amélioration clinique, mais ne diminue pas le taux de progression vers un lymphome invasif. Le traitement classique de la jéjunite ulcéreuse par immunothérapie semblerait même favoriser le passage précoce vers les lymphomes de haut grade. Des traitements par anti-TNF alpha, par cladribine ou alemtuzumab ont été proposés avec un effet symptomatologique, mais sans modification de l'évolution. Le seul traitement ayant montré, dans quelques cas, une réponse hématologique avec régression de la population clonale est l'autogreffe de moelle. Un espoir thérapeutique est représenté par l'utilisation d'anticorps monoclonaux anti-IL15 qui pourraient arrêter la progression vers le stade invasif. Devant la rareté des cas, la réalisation d'études internationales multicentriques est nécessaire pour réunir des cohortes de malades suffisamment importantes.
D'après une communication du Pr Christophe Cellier, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
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