Des observations cliniques ont permis, il y a déjà plus de 70 ans, d'associer hypertension artérielle et raréfaction microvasculaire. Ce phénomène, qui atteint les artérioles et les capillaires, a été noté dans les territoires cardiaques et squelettiques, au niveau de l'intestin, du tissu conjonctif et cutané. Tous ces tissus ont en commun d'être dotés d'un réseau microvasculaire de réserve non fonctionnel à l'état de base.
Dans les modèles animaux d'hypertension - chez le rat, en particulier - l'évolution de la maladie s'accompagne, dans un premier temps, d'une raréfaction vasculaire au niveau des tissus musculaires par le biais d'une fermeture des artérioles (raréfaction fonctionnelle), suivie d'une véritable perte vasculaire (raréfaction structurelle). « Différentes hypothèses physiopathologiques ont été développées au cours des dix dernières années afin de tenter d'expliquer le lien entre la raréfaction et l'hypertension. Ainsi, une programmation génétique, des troubles de l'angiogenèse durant la maturation, des altérations du système rénine-angiotensine ou des mécanismes d'autorégulation à long terme pourraient être impliqués », explique le Dr Russel Prewitt (Norfolk, Etats-Unis) dans un éditorial accompagnant l'article paru dans le « Journal of Hypertension ».
Une auto-régulation à long terme
« Les tissus les plus touchés par la raréfaction microvasculaire sont ceux dotés de variations de plasticité en fonction de la demande ponctuelle ou chronique en apports sanguins. Ainsi, on sait que le réseau capillaire des muscles striés des sportifs est majoré : il s'agit d'une autorégulation à long terme. L'un des facteurs en cause dans ce type d'auto-régulation du flux sanguin est la synthèse de monoxyde d'azote (NO) par les cellules endothéliales en réponse à une majoration locale du stress », ajoute le Dr Prewitt. On sait, en outre, que la NO synthétase joue un rôle dans les phénomènes d'angiogenèse. Pour cette raison, des chercheurs étudient depuis quelques années le rôle d'une baisse de la synthèse de NO au niveau des cellules endothéliales des sujets hypertendus et tentent d'établir un lien entre cette donnée et la raréfaction microvasculaire fonctionnelle et structurelle.
Le travail mis en place au sein du laboratoire du Pr Bernard Levy (INSERM U 541, hôpital Lariboisière, Paris) rentre dans ce cadre. Les investigateurs ont utilisé un modèle animal de souris mutantes (ou knock out) dépourvues du gène de la NO synthétase. Ils ont prouvé que la raréfaction vasculaire ne se produit que chez les souris hypertendues et qu'un traitement anti-hypertenseur par vasodilatateurs, tels que l'hydralazine, permet de prévenir les phénomènes de raréfaction. « Cette étude nous permet de conclure à l'absence de rôle du NO dans la raréfaction micro-vasculaire des sujets hypertendus », explique au « Quotidien », le Dr Nathalie Kubis, premier signataire de l'article.
Une adaptation à l'hypertension
« L'un des corollaires de cette expérience est que la raréfaction pourrait plutôt représenter une adaptation à l'hypertension plutôt que sa cause directe », ajoute le Dr Prewitt. Dans ce cas, ce phénomène contribuerait à une élévation des résistances périphériques qui pourrait être considérée comme une autre adaptation structurelle au même titre que la remodélisation des artérioles. Ces deux actions se conjugueraient dans un but d'auto-régulation du flux sanguin et de prévention d'un apport sanguin de pression élevée au sein du lit capillaire. « Globalement, plus que la cause de l'hypertension, la raréfaction microvasculaire et le remodelage vasculaire devraient être considérés comme une adaptation physiologique, nécessaire dans un premier temps, et qui ne deviendrait nocive qu'à long terme », conclut le Dr Kubis. La perte de la production du NO au niveau endothélial rénal - où il joue un rôle essentiel dans le feed-back tubuloglomérulaire et la régulation du fluide extracellulaire - pourrait être la cause réelle de l'hypertension des souris eNOS knock-out.
« Journal of Hypertension », février 2002, 20 : 177-178.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature