LA SURVENUE d'une paralysie faciale est un événement invalidant, avec des conséquences physiques et psychologiques qui altèrent la qualité de vie. Ses circonstances de survenue sont multiples : traumatismes, tumeurs (nerf facial, angle ponto-cérébelleux, parotide), infections (zona, maladie de Lyme), accidents vasculaires, sclérose en plaques, neuropathies périphériques (diabète...). La forme la plus fréquente est la paralysie faciale périphérique idiopathique ou maladie de Bell, qui représente un peu plus de la moitié des cas.
Le nerf facial (VII) a une fonction essentiellement motrice. Il a aussi un rôle sécrétoire au niveau de la glande lacrymale et des glandes salivaires, une fonction gustative sur les deux tiers antérieurs de la langue et une fonction sensitive au niveau de la zone de Ramsay Hunt et des deux tiers antérieurs de la langue.
Lors de l'examen statique, dans la forme complète de paralysie faciale périphérique, on observe un effacement des rides du front, un abaissement du sourcil et une élévation de la paupière supérieure par atteinte de l'orbiculaire. La paupière inférieure est abaissée et ectropionnée. Au niveau inférieur, le pli naso-génien est effacé et la commissure labiale abaissée ; les plis de la face et de la bouche sont déviés du côté sain. Lors de l'examen dynamique, cette déviation vers le côté sain est augmentée et le patient ne peut ni siffler ni gonfler les joues du côté paralysé. Au niveau des paupières, on retrouve une lagophtalmie avec impossibilité d'occlusion volontaire de la fente palpébrale. Le clignement est plus rare, plus bref, plus lent et incomplet.
La prise en charge des paralysies faciales fait appel à l'ORL et à l'ophtalmologiste. En 1985, L'Académie américaine d'ORL a adopté la classification de House Brackmann pour évaluer les paralysies faciales ; elle est fondée sur l'intensité de l'atteinte motrice et comprend six stades allant de 1 (fonction normale) à 6 (paralysie complète, sans aucun mouvement). Elle est largement utilisée dans les études cliniques qui ont établi les modalités de prise en charge.
L'examen ophtalmologique est indiqué dès l'installation du déficit en raison du risque cornéen, plurifactoriel (élargissement de la fente palpébrale, rareté du clignement, inocclusion palpébrale, atteinte de la sécrétion lacrymale). Il devra être répété ; il faudra tester la qualité de l'élévation du globe (signe de Charles Bell) lors des manœuvres d'occlusion forcée, ainsi que les autres paires crâniennes, en particulier le V. Une hypoesthésie cornéenne (V1) et un mauvais Charles Bell sont des facteurs de gravité qui majorent le risque de kératite, d'abcès, voire de perforation cornéenne, et peuvent demander une fermeture palpébrale urgente.
Au stade aigu.
Les indications chirurgicales au stade aigu sont les suivantes :
- paralysie faciale complète avec inocclusion palpébrale: si la tolérance cornéenne est mauvaise malgré un traitement lubrifiant bien conduit et une fermeture palpébrale nocturne mécanique, a fortiori s'il existe une hypoesthésie, on réalisera une injection de toxine botulique dans le releveur de la paupière supérieure du côté atteint. Cette technique simple est actuellement préférée à la chirurgie. La tarsorraphie complète ou du tiers externe palpébral avec respect du bord libre garde cependant des indications pour passer le cap aigu d'une paralysie faciale avec mauvaise tolérance cornéenne, notamment en cas de difficultés pour disposer de toxine ;
- formes complètes de paralysie faciale traumatique: une chirurgie de décompression du nerf facial est indiquée s'il existe un trait de fracture avec menace pour le facial visible sur la TDM et un silence à l'électromyogramme qui sera répété. La voie d'abord dépend des résultats de l'imagerie ;
- paralysie faciale secondaire à une tumeur (schwannome du facial) ou de section du nerf (tumeur de la parotide): une chirurgie de suture nerveuse est indiquée ;
- paralysie faciale complète a frigore: les indications de décompression chirurgicale du VII sont devenues exceptionnelles et controversées, réservées aux paralysies faciales sévères (stade 5 ou 6 de la classification de House Brackmann), sans récupération malgré un traitement médical par stéroïdes, avec déficit axonal sévère supérieur à 90 % sur l'électroneurographie, et absence de potentiels volontaires à l'EMG.
Au stade des séquelles.
La chirurgie a pour objectif de symétriser autant que possible le visage en position statique et de lui assurer la meilleure dynamique possible (sourire, fermeture palpébrale) en évitant les contractures.
La chirurgie peut être complétée par des injections de toxine botulique sur les zones saines pour améliorer la symétrie, ainsi que pour traiter les syncinésies.
Les techniques suivantes peuvent être utilisées :
- plastie du sourcil, qui sera remonté et fixé au périoste sous-jacent avec ou sans résection cutanée ; -chirurgie palpébrale dynamique : il peut s'agir de l'affaiblissement du releveur de la paupière supérieure (section ou fenestration du complexe aponévrose-releveur), pour supprimer la rétraction palpébrale supérieure liée à la paralysie de l'orbiculaire, et/ou de l'amélioration de la fermeture palpébrale en alourdissant la paupière supérieure par une plaque d'or ou de titane, de densité supérieure à celle de l'or. Le poids est testé en préopératoire et la plaque est implantée entre le tarse et l'orbiculaire et protégée par une fermeture stricte de ce dernier, pour diminuer les risques d'extrusion à distance ;
-l'ectropion de la paupière inférieure ; en cas de laxité palpébrale importante, l'ectropion sera corrigé par un raccourcissement de pleine épaisseur de la paupière associé à une canthopexie externe avec suture du néotendon au périoste latéral ;
-l'ectropion du point lacrymal peut être traité spécifiquement par une résection palpébrale sélective dans la partie lacrymale de la paupière inférieure ou par une excision d'un losange de conjonctive et des rétracteurs sous le point lacrymal inférieur, suivie d'une suture ;
-la tarsorraphie partielle externe, voire totale définitive, est moins pratiquée car moins esthétique. Elle est réservée aux formes graves sans récupération et/ou aux patients ayant d'autres séquelles neurologiques (paralysies oculomotrices associées, anesthésie cornéenne, hémiplégie, suites d'accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien ou intervention neurochirurgicale) ;
-les transferts musculaires ; il s'agit essentiellement du transfert de la portion médiane du muscle temporal, tunellisée et amarrée au bord libre des paupières. Cette intervention donne plutôt de moins bons résultats sur la fermeture palpébrale nocturne que la plaque d'or ;
-des greffes musculaires libres peuvent aussi être réalisées ;
-les sutures hétéronerveuses essentiellement par anastomose hypoglosso-faciale (VII-XII) ont un assez bon effet sur le tonus musculaire, mais donnent de moins bons résultats sur la symétrie de l'étage moyen et sur la zone palpébrale. Elles doivent être complétées par une chirurgie ophtalmologique palliative.
*Service d'ophtalmologie du Dr Serge Morax, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild.
Les auteurs remercient le Dr Hervé Lacombe (service d'ORL, centre hospitalier Delafontaine, Saint-Denis) pour son aide dans la rédaction de cet article.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature