«ON NE FAIT PAS pour les personnes mais avec les personnes», affirme Bruno Spire, président d'AIDES France. C'est en tout cas le principe qu'entendent rappeler les quatre associations de lutte contre le sida qui lancent la première coalition internationale de personnes touchées par le VIH/sida. Créée à l'initiative d'AIDES, la coalition nommée PLUS, qui regroupe l'association québécoise COCQ-sida, ALCS du Maroc et ARCAD-sida du Mali, veut faire entendre la voix des personnes touchées par l'épidémie. «Nous ne sommes pas des professionnels, nous ne sommes ni des infectiologues ni des virologues, nous sommes des “rienologues”», explique encore Bruno Spire.
Des malades acteurs.
Il s'agit pour lui de faire reconnaître par les institutions internationales, l'OMS, l'ONUSIDA, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore UNITAID, un savoir profane jusque-là négligé. «Les malades du sida, par le vécu face à la maladie ou face au risque, sont capables de se mettre au service de la lutte contre le sida en devenant des acteurs de santé publique», souligne-t-il. Ils sont aussi capables «d'être des acteurs de la recherche en collaborant avec les chercheurs» en fonction de leurs propres besoins.
Une telle démarche a séduit le Dr Aliou Sylla, président d'ARCAD-sida, dont l'association, créée en 1994, contribue à la prise en charge de deux tiers des personnes sous trithérapie au Mali. «Nous sommes sur le terrain, nous connaissons les souffrances, les obstacles à la prévention. Comment développer des stratégies préventives au sein des familles si l'accès à la nourriture pose problème», a-t-il fait remarquer.
Appuyée sur une démarche communautaire, la coalition entend mettre d'abord en avant les capacités d'innovation dont sont porteuses les associations de lutte contre le sida, en France comme ailleurs dans le monde. Car «fournir des médicaments ne suffira pas à enrayer la progression de l'épidémie». Selon les dernières estimations de l'ONUSIDA publiées au même moment, l'accès au traitement progresse, avec un million de personnes supplémentaires mises sous traitement antirétroviral en 2007, soit aujourd'hui 3 millions patients traités (« le Quotidien » d'hier). Mais «parler du sida aujourd'hui, c'est parler de la pauvreté», insiste Philippe Douste-Blazy, présent lors du lancement. Secrétaire général adjoint de l'ONU, président d'UNITAID, mécanisme innovant de financement qui a déjà permis de mettre sous trithérapie 140 000 enfants et qui contribue, grâce aux 400 millions de dollars par an dont il dispose, de faire baisser le prix des médicaments de 25 à 50 %, il assure que les progrès sont là mais que «le plus dur reste à faire», regrettant la baisse de l'aide au développement. Le président d'UNITAID, qui a mis à l'ordre du jour de son prochain conseil d'administration l'accès aux compléments alimentaires, rappelle lui aussi que «traiter ne sert à rien si les personnes sont dénutries». «Acheter des médicaments, y compris les moins chers, ne sert à rien si, derrière, les systèmes de santé ne suivent pas», ajoute-t-il.
Dans ce contexte, l'initiative des associations paraît d'autant plus indispensable. D'autres ONG, notamment de l'Équateur, de Roumanie, de Pologne ou du Togo, devraient prochainement rejoindre les quatre membres fondateurs. «Nous aimerions convaincre les donateurs que l'union de nos actions, à travers la coalition, sera plus efficace pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, poursuivre les recherches et réduire la transmission chez les jeunes et les populations vulnérables», conclut le Pr Hakima Himmich, présidente d'ALCS, créée en 1988 sous le modèle d'AIDES, qui, déjà, avait apporté une aide technique (formation des bénévoles) et permis au Maroc d'être un des premiers pays africains à bénéficier des trithérapies.
La coalition s'est donnée rendez-vous en août prochain, à la 17e Conférence internationale sur le sida de Mexico.
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