A L'ISSUE du dernier G8, à Saint-Pétersbourg, en juillet dernier, Jacques Chirac déclarait : «Nous avons également fait adopter, c'était une idée que j'avais beaucoup soutenue depuis un an, le principe d'une assurance-maladie des pays pauvres. J'ai rappelé qu'il y a cent ans, pratiquement, l'Europe était, en ce qui concerne la durée de vie, mais aussi en ce qui concerne les maladies et le système social, à peu près au niveau où se trouvent actuellement un grand nombre de pays en développement. Cela ne nous a pas empêchés, à l'époque, de concevoir un système d'assurance-maladie qui a été un élément décisif du progrès social pour notre pays et qui a été ensuite imité par les Européens pour l'ensemble de l'Europe.» Les chefs d'Etat et de gouvernement avaient alors invité l'Ocde et les organisations compétentes à travailler sur des mécanismes d'assurance-maladie publique, privée ou à base communautaire, et avaient approuvé le principe, suggéré par le président français, d'une réunion de haut niveau à Paris (« le Quotidien » du 20 juillet 2006).
La santé, un investissement indispensable.
C'est donc autour du thème de la santé et du développement, sur lequel il s'est beaucoup engagé, que celui qui s'apprête à quitter l'Elysée accueille dès demain à Paris*, outre les représentants des pays du G8, une cinquantaine de ministres de la santé des pays du Sud et du Nord et des représentants des principales organisations internationales (Organisation mondiale de la santé, Organisation internationale du travail, Banque mondiale, Fonds monétaire international et Ocde). Cette conférence, intitulée « Couverture du risque maladie dans les pays en développement : rompre le cercle vicieux de la maladie et de la pauvreté », permettra une nouvelle fois de rappeler que la santé doit être considérée comme un investissement indispensable au développement, plutôt que comme une source de dépenses non productives ou seulement comme une conséquence attendue du développement. «Entre santé et pauvreté existe un lien organique», explique le Pr Michel Kazatchkine, ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH-sida et les maladies transmissibles. «En Afrique subsaharienne, une personne dépense environ 30dollars par an pour sa santé, près de 100fois moins que dans nos pays de l'Ocde», poursuit-il. Si, dans cette somme, l'aide internationale représente 2 dollars et l'aide publique 5 dollars, «23dollars restent à la charge des familles», souligne-t-il. L'essentiel des dépenses, notamment pour les médicaments, est réalisé par paiement direct, ce qui pénalise les foyers déjà fragilisés. On estime que, tous les ans, «40millions de personnes passent sous le seuil de pauvreté, en raison des frais de santé engagés», note-t-il encore. Cela contribue à creuser le fossé entre pays pauvres et pays riches, mais aussi entre les classes moyennes et les classes les plus pauvres dans les pays du Sud. «Dans plusieurs pays d'Afrique, 30% des dépenses publiques consacrées à la santé vont à 10% de la population aux revenus les plus élevés», affirme le Pr Kazatchkine.
En dépit du fort impact de l'investissement international dans la santé, notamment par le biais du Fonds mondial, les problèmes demeurent, comme le montre l'exemple du sida. «Ces fonds verticaux consacrés à une maladie se heurtent à deux difficultés: le manque de solidité des systèmes de santé, tant du point de vue des infrastructures que de celui des ressources humaines; et l'absence de financement pérenne», estimele futur directeur exécutif du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
La mise en place d'un mécanisme de couverture du risque maladie permettrait de répondre à ces deux écueils.
Elargir la couverture.
«Plus de la moitié de la population mondiale n'a accès à aucune forme de protection sociale. Et ceux qui y ont accès ne sont protégés que contre quelques risques. La maladie reste un des plus grands risques sociaux, et il est essentiel aujourd'hui d'élargir la couverture du risque maladie à l'ensemble de la population», ajoute, pour sa part, Nicole Ameline, ambassadrice en mission chargée des questions sociales et de la parité dans les relations internationales, déléguée du gouvernement au BIT. En tant que présidente de la conférence, elle en assurera l'allocution d'ouverture. La journée de jeudi, réservée aux experts, s'articulera autour de quatre tables rondes : impact du risque maladie sur la lutte contre la pauvreté, la croissance macroéconomique et le développement humain ; analyse comparée des différents dispositifs de couverture mis en place, en particulier au Maroc, au Chili, mais aussi au Kenya, par exemple ; mécanismes de financement (communautaires, privés, publics ou mixtes) ; intégration du risque maladie dans le cadre du renforcement des structures de santé. La journée de vendredi est réservée aux ministres qui interviendront sur les mêmes thèmes. Des personnalités comme Margaret Chan, directeur général de l'OMS, ou Bernard Kouchner devraient intervenir. «Notre volonté est bien d'ouvrir des pistes concrètes afin d'accélérer la mise en oeuvre de systèmes de protection sociale dans les pays en développement, souligne Nicole Ameline. C'est aujourd'hui l'un des instruments essentiels dans la lutte contre la pauvreté.» Des conclusions et recommandations seront formulées à l'issue des deux journées, qui s'achèveront par une allocution de clôture du président de la République. Elles devraient être reprises lors du prochain G8 qui devrait se tenir avec son successeur, du 6 au 8 juin, à Heiligendamm en Allemagne.
* Centre des conférences internationales.
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