QUI L’A LUE, qui a vécu l’époque de sa gloire, ne peut oublier Albertine Sarrazin. Mona Heftre était toute jeune dans les années 1960, lorsque Jean-Jacques Pauvert publia en même temps les deux premiers livres d’Albertine Sarrazin, « l’Astragale » et « la Cavale ». Mais elle savait qui était cette rétive, très brillante élève qui bascula dans la délinquance parce que son père adoptif l’avait enfermée dans une maison de redressement. C’est par une lettre qu’elle écrivit à Julien Sarrazin, son mari, une lettre qui figure dans l’un des recueils de poésie, que Mona Heftre a retrouvé l’écrivain. Elle n’a alors plus pensé qu’à composer un hommage à cette femme hors du commun dont elle a suivi les itinéraires : sa vie, sa maison, ses écrits, qu’ils soient carnets intimes, journaux, récits, poèmes, et ce témoin fervent et discret qu’est la femme ayant droit de l’uvre, qui veille sur la maison que Julien avait si bien aménagée pour Albertine.
Le spectacle est sobre et beau. Une scénographie minimale d’Yves Bernard, des lumières de Pascal Noël, des musiques de Camille Rocailleux. Un film, composé d’archives en noir et blanc, nous fait revoir le beau visage de cette femme Tanagra au beau profil « égyptien », comme le dit Mona Heftre. On voit quelques reproductions des pages des journaux de l’époque, lorsqu’Albertine et son amie firent une tentative de hold-up et se retrouvèrent en prison. Ce film a été composé par Manon Savary, qui signe la mise en scène, dirigeant Mona Heftre avec une grande délicatesse. Cette délicatesse est consubstantielle à l’interprète qui a donc elle-même construit ce montage de textes. Seule Albertine Sarrazin a la parole. Mona Heftre a puisé dans l’ensemble des textes, elle connaît par cur son « sujet ». Elle la remet en lumière avec sa vérité, sa sincérité. Parfois, elle chante des poèmes. C’est superbe. Un grand moment de théâtre.
On n’oublie pas Albertine Sarrazin, son intelligence, sa force, ses malheurs, sa grandeur. Elle est morte le 10 juillet 1967, après une opération, des suites d’une erreur d’anesthésie. Elle n’avait pas 30 ans.
Théâtre des Déchargeurs (tél. 0892.70.12.28), à 20 heures du mardi au samedi. Durée : 1 h 20 sans entracte.
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