LE CONTRÔLE immunitaire de l’organisme vis-à-vis des tumeurs passe par deux voies immunologiques distinctes : la voie innée et la voie adaptative. Ces deux voies font intervenir, dans des proportions variables, l’interféron gamma et les lymphocytes comme effecteurs actifs contre les tumeurs induites ou spontanées. L’interféron gamma est un anti-angiogénique puissant. Il active aussi d’autres cellules immunitaires et intervient dans la reconnaissance des cellules cancéreuses par les lymphocytes B. Mais l’origine précise de l’interféron gamma en début de progression tumorale reste encore mal connue. En 2001, une étude qui montrait que l’incidence des tumeurs primitives était plus élevée chez les souris Rag2-/- Stat1-/- que les souris Rag2-/- élevées dans les mêmes conditions incitait les auteurs à conclure que l’interféron gamma ne pouvait être produit exclusivement par les lymphocytes T activés. Quant à la production innée d’interféron gamma, il était jusqu’à présent admis qu’elle était attribuée aux lymphocytes T et aux cellules Natural Killer (NK). Elles exercent une action lytique sur les cellules tumorales par le biais de la perforine, du ligand CD95 (FasL) et de la voie TNF-TRAIL (Tumor necrosis factor Related Apoptosis Inducing Ligand). Au début de l’année 2005, une équipe française a publié un travail qui suggère que l’induction de la protéine TRAIL pouvait constituer un moyen de lutte contre une grande variété de tumeurs (équipe de Hinrich Gronemeyer Igbmc/Cnrs/inserm/ULP, voir « le Quotidien », n° 7684 du 9 février 2005).
La sécrétion d’interféron gamma.
L’étude publiée dans « Nature Medicine » par l’équipe du Pr Laurence Zitvogel (directrice de recherche IGR/faculté de médecine Paris-XI, équipe mixte IGR, Inserm labélisée Ligue nationale contre le cancer) décrit une nouvelle cellule dendritique, la cellule Ikdc (Interferon Producing Killer Dendritic Cell), dont le phénotype et les propriétés fonctionnelles apparaissent comme uniques.
Ces cellules Ikdc co expriment à leur surface des marqueurs communs aux cellules dendritiques plasmacytoïdes et aux cellules NK tels que le B220, le NK1.1, le NKG2D et le CD49b. Par rapport aux cellules dendritiques déjà connues, ces cellules de petite taille (5 à 6 microns) migrent préférentiellement vers les sites tumoraux. Elles se révèlent capables de sécréter de l’interféron gamma puis de tuer les cellules cancéreuses de façon TRAIL-dépendante (ligand induisant la mort cellulaire par apoptose, par la voie des récepteurs TNF).
Après un contact avec différents types de cellules cancéreuses mal reconnues par les cellules NK, les cellules dendritiques Ikdc sécrètent des niveaux élevés d’interféron gamma et induisent une apoptose TRAIL-dépendante. Le transfert de cellules Ikdc chez des souris Rag2-/-II2rg-/- atteintes de différents types de tumeurs prévient le développement de ces cancers, alors que le transfert de cellules NK ne s’accompagne pas d’effet antitumoral.
L’association Glivec + IL2 va être testée.
Par ailleurs, l’activité antitumorale de ces cellules est potentialisée en présence de Glivec combiné à l’interleukine 2. Il semblerait que l’interleukine 2 associée à Glivec pourrait contribuer à attirer les cellules Ikdc sur le site tumoral. L’hypothèse d’un phénomène similaire chez l’homme constitue un espoir en cancérologie. L’équipe du Pr Laurence Zitvogel va mettre en place très prochainement des essais de phases I et II pour tester la combinaison Glivec + IL-2 chez des patients atteints de cancers ovariens résistants au cisplatine et chez des patients atteints de Gist (tumeurs stromales du tractus gastro-intestinal) résistantes à Glivec. Pour les auteurs, «cette découverte ouvre de nouveaux espoirs en cancérologie, en infectiologie et dans le domaine des transplantations».
« Nature Medicine », édition avancée en ligne.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature