REFERENCE
Clinique
L'apparition de douleurs conduisant secondairement à une impotence fonctionnelle totale est le reflet d'une rupture de l'aponévrose sur myo-aponévrosite préexistante. Une rupture fraîche chez un sportif de haut niveau, indemne de toute douleur, se traduit par une impotence totale.
La rupture de l'aponévrose plantaire se produit à deux endroits : soit près de l'insertion sur le tubercule antéro-interne du calcanéum, soit à 4 cm de l'insertion (6).
La clinique est variable en fonction du contexte, sportif ou non, et de l'âge des patients.
Une impotence partielle chez un adulte d'âge moyen, non sportif, associée à une douleur chronique, de rythme mécanique, d'intensité modérée s'accompagnant d'une légère boiterie, doit faire évoquer une myo-aponévrosite plantaire. En effet, la myo-aponévrosite plantaire d'insertion n'est pas forcément l'apanage du sportif. Elle peut être secondaire à des microtraumatismes répétés, au port d'une chaussure de sport (mais pas obligatoirement) comportant une hémi-coupole interne trop marquée (6), ou au port de chaussures inadéquates.
L'examen retrouve une douleur à la partie interne et postérieure du talon.
Dans ces cas, la douleur rend l'examen clinique difficile, ce d'autant qu'il existe assez souvent un dème, une ecchymose.
Echographie
Elle peut objectiver une augmentation d'épaisseur de l'aponévrose plantaire. Elle mesure 5,2 mm contre 2,9 mm dans le groupe témoin (2). Dans 84 % des cas, cet auteur note un aspect hypo-échogène au niveau de la partie proximale de l'aponévrose plantaire.
Dans certains cas, l'échographie peut montrer une image kystique ou une solution de continuité.
Radiographie et scintigraphie osseuse
L'épine calcanéenne ne doit plus être considérée comme une cause de douleur mais comme le reflet d'une souffrance de l'aponévrose plantaire et comme une éventuelle entésopathie.
On peut s'interroger sur la signification d'une épine calcanéenne en cas de talalgie. Jusqu'à ces dernières années, on pouvait l'assimiler à une enthésite. L'infiltration locale de corticoïdes de l'épine ne constituait-elle pas, à notre insu, le traitement d'une aponévrose plantaire méconnue ? A notre avis, on ne doit pas s'arrêter à la constatation de cette anomalie radiologique ; il faut avoir présent à l'esprit le diagnostic d'aponévrosite plantaire et compléter selon les cas par une échographie et/ou une IRM. A un stade tardif cicatriciel, la radiographie peut mettre en évidence des calcifications des parties molles en regard de la face inférieure du calcanéum et en avant de la tubérosité postérieure.
Quant à la scintigraphie osseuse, son intérêt essentiel est d'écarter les autres causes de talalgies, et en particulier les fractures de fatigue.
Cependant, de temps en temps, une aponévrosite plantaire peut s'accompagner d'une hyperfixation modérée.
IRM
Si ce n'était son coût, elle constitue l'examen d'imagerie le plus performant. Selon les stades et en fonction du contexte post-traumatique, chez un sportif de haut niveau ou chez un sujet sédentaire, l'IRM peut montrer différents types d'anomalies.
A l'état normal, l'aponévrose plantaire superficielle se présente comme une structure linéaire apparaissant en hyposignal entre le coussinet graisseux (hypersignal) et les groupes musculaires (signal intermédiaire).
Différents aspects IRM peuvent être rencontrés en fonction du contexte clinique, de l'âge des lésions et de leur siège.
Le plus souvent, elles siègent à la partie postéro-interne (75 %), moins fréquemment à la partie moyenne antérieure et externe de l'aponévrose plantaire, en particulier en cas de rupture.
1) En cas de lésions récentes, on note une solution de continuité. Elle est bien visible sur les coupes sagittales et se traduit par un élargissement de l'aponévrose plantaire, dont le signal est atténué en T1 et augmenté en T2.
2) Le signal peut être rehaussé après injection intraveineuse de Gadolinium. Le rehaussement est d'autant plus important que la lésion est fraîche.
Ailleurs, on peut observer un tableau de myo-aponévrosite : cela se traduit par une aponévrose épaissie, irrégulière, mal limitée qui apparaît en hyposignal en T1.
Dans les formes chroniques et en cas de rupture ancienne, on peut noter un aspect fusiforme, nodulaire, qui apparaît tantôt en hyposignal traduisant un aspect cicatriciel avec ou sans rehaussement après injection de Gadolinium, tantôt en hypersignal correspondant à une cavité pseudokystique.
Traitement médical
Il repose tout d'abord sur des conseils d'hygiène de vie, si nécessaire sur la mise au repos relative du pied douloureux avec mise en décharge grâce à un ou deux cannes anglaises, selon la sévérité de l'impotence et des lésions objectivées en imagerie (échographie et/ou IRM), sur une modification du chaussage, le port de semelles comportant une talonnette mousse, et des anti-inflammatoires non stéroïdiens.
A côté de cela, ont été proposées des techniques de physiothérapie et des orthèses nocturnes maintenant le pied en dorsiflexion.
Que faut-il penser des infiltrations locales de corticoïdes dans le traitement de l'aponévrosite plantaire ?
Il est certain qu'elles peuvent être indiquées en cas d'échec des différentes étapes du traitement médical et après plusieurs mois d'évolution, la seule alternative étant alors la chirurgie. Elles seraient plutôt indiquées en cas de myo-aponévrosite plantaire ou de lésions chroniques, en particulier lorsqu'il existe un nodule cicatriciel. En tous cas, elles doivent être effectuées en étant guidées par l'échographie ou par le scanner.
Dans ces conditions et dans notre expérience, elles ont donné lieu à des résultats favorables.
Traitement chirurgical
Par une voie d'abord longitudinale interne, après dégagement de l'abducteur du gros orteil au bord interne de l'aponévrose plantaire, est réalisée une dissection progressive de la face plantaire de l'aponévrose puis la face profonde de l'aponévrose est libérée et désinsérée, et le tissu pathologique est excisé ainsi que l'épine calcanéenne. L'appui est en règle générale autorisé à la cicatrisation à la 3e semaine.
Dans sa série de 10 patients jeunes sportifs ayant eu une rupture traumatique, Christel (3) n'obtient que des bons résultats avec un recul de vingt-six mois.
Jardé (5), dans une série de 12 patients ayant en moyenne 50 ans et dont 50 % présentaient une rupture, observe 9 bons résultats en postopératoire. Dans 5 cas sur 12, l'IRM postopératoire met en évidence une cicatrisation de l'aponévrose plantaire de bonne qualité. L'excision chirurgicale de l'aponévrose malade ne semble pas modifier la statique de l'arche plantaire.
Daly (4), dans une série de 17 aponévrosites plantaires douloureuses et rebelles, note 71 % de bons résultats avec un recul allant de 4 à 15 ans. Il observe cependant un affaissement de la voûte plantaire dans les suites opératoires.
Wander (7), comparant l'aponévrectomie à ciel ouvert à la fasciotomie endoscopique, accorde un avantage à cette dernière méthode.
D'autres auteurs, comme Benton (1), préconisent une technique d'aponévrotomie plantaire percutanée qu'ils considèrent comme peu invasive : dans une série de 35 patients âgés de 31 à 76 ans, il note 83 % de bons résultats avec un recul de 34 mois. L'examen anatomopathologique du tissu excisé retrouve en général une prolifération fibroblastique bénigne.
Conclusion
Parmi les causes de douleurs du talon, une place privilégiée doit être accordée à l'aponévrosite plantaire. Son diagnostic ne doit pas être obéré par la découverte radiologique d'une épine calcanéenne mais doit reposer sur l'imagerie, échographie et/ou IRM, les images observées (rupture, myo-aponévrosite inflammatoire, nodule cicatriciel) variant en fonction du contexte de survenue, de l'âge des patients et de l'ancienneté des lésions. Le traitement doit toujours être médical : modification du chaussage, de l'hygiène de vie, port de semelles, AINS, physiothérapie, orthèses nocturnes. Dans certains cas, et avant de proposer un geste chirurgical, pourra se discuter une injection locale de corticoïdes guidée par l'échographie ou le scanner. Quant à la chirurgie, elle s'adresse aux formes rebelles à la corticothérapie locale.
Bibliographie :
1) Benton-Weil W. and al. Percutaneous plantar fasciotomy : a minimally invasive procedure for recalcitrant plantar fasciitis. « J. Foot Ankle Surg », 1998, 37 (4), 269-272.
2) Cardinal and al. Plantar fasciitis. « Sonographic evaluation radiology ». 1996, 201 (1), 257-259.
3) Christel et coll. Traitement chirurgical des ruptures de l'aponévrose plantaire. « Rev Chir Orthop », 1993, 79, 218-225.
4) Daly P. J. Plantar fasciotomy for intractable plantar fasciitis. Clinical results and biomechanical evaluation. « Foot Ankle », 1992, 13 (4), 188-195.
5) Jardé O. et coll. Aponévrotomie et lésions dégénératives de l'aponévrose plantaire. « Rev Chir Orthop », 1996, 82, 629-635.
6) Poux M., Boyer Th. L'aponévrosite plantaire. In « l'Actualité Rhumatologique », 1990, 1 vol., 172-179.
7) Wander S. A retrospective comparaison of endoscopic plantar fasciotomy to open plantar fasciotomy with heel spur resection for chronic plantar fasciitis / heel spur syndrom. « Foot Ankle Surg 7, 1996, 35 (2), 183-187.
Anatomie et facteurs étiologiques
L'aponévrose plantaire superficielle a une forme triangulaire à sommet postérieur. Elle va de la tubérosité postéro-interne du calcanéum à la face plantaire des articulations métatarsophalangiennes.
Elle comporte trois parties : interne, moyenne et externe ; c'est l'aponévrose moyenne qui est le plus souvent en cause.
Les contraintes mécaniques répétées (coureur, sauteur, danseur) et les vices architecturaux (pied plat plus souvent que pied creux) sont des facteurs étiologiques importants.
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