LA GEM est une cause fréquente de syndrome néphrotique chez l’adulte, mais elle est rare chez l’enfant. Son diagnostic repose sur la découverte, à la biopsie rénale, de dépôts de complexes immuns au niveau de la membrane basale glomérulaire et sur l’observation d’un épaississement de la membrane des capillaires glomérulaires.
Différents antigènes ont été mis en cause dans la genèse de cette affection. Au nombre des antigènes endogènes (au niveau des podocytes, ou cellules épithéliales), on compte l’endopeptidase neutre (famille des vasopeptidases), responsable de la GEM congénitale, et le récepteur de la phospholipase A2 de type M (PLA2R), à l’origine de 70 % des GEM dites idiopathiques. Des antigènes exogènes – viraux, bactériens, tumoraux – peuvent également être impliqués, et déclencher la formation de complexes immuns au niveau du glomérule.
L’équipe des Drs Hanna Debiec et Pierre Ronco (INSERM, hôpital Tenon, Paris) a enquêté sur la mise en cause potentielle d’un antigène alimentaire dérivé du lait de vache, l’albumine sérique bovine, dans certains cas de GEM. Leur étude porte sur une série de 50 patients atteints de GEM idiopathique (41 adultes et 9 enfants). Une biopsie rénale a été faite chez ces patients entre 2004 et 2009. Les Français ont inclus dans leur étude 172 sujets témoins présentant une autre maladie glomérulaire ou sans protéinurie.
Les chercheurs ont eu la surprise de découvrir, chez 11 patients dont 4 enfants, des taux sanguins élevés d’anticorps dirigés contre l’albumine sérique bovine (Ac IgG1 et IgG4), ainsi que des concentrations sériques excessives d’albumine sérique bovine, sans augmentation de complexes immuns circulants. Chez les 4 enfants (âgés de 5 mois à 2 ans et demi), de l’albumine sérique bovine a été détectée au niveau des dépôts immuns glomérulaires, et cet antigène était associé à une IgG spécifiquement dirigée contre l’albumine sérique bovine.
AlbumIne sérique cationique.
Ces observations suggèrent fortement que l’antigène responsable de la GEM chez ces 4 jeunes patients est l’albumine sérique bovine cationique. Par quel mécanisme ? Les auteurs pensent que l’albumine sérique bovine cationique a pu se fixer au niveau de la couche anionique des capillaires glomérulaires, entraînant dès lors la formation de complexes immuns.
Les circonstances conduisant à la présence de formes cationiques d’albumine sérique bovine restent à élucider. Selon les chercheurs, le pH gastrique des nourrissons, ou leur barrière gastro-intestinale encore immature, pourrait expliquer l’absorption de fragments cationiques d’albumine sérique bovine.
« L’absorption d’albumine sérique bovine modifiée, suivie de l’immunisation contre cette protéine, doit donc être considérée comme une cause potentielle de glomérulonéphrite extramembraneuse chez le jeune enfant. Cette éventualité doit inciter à rechercher l’albumine sérique bovine dans les dépôts immuns », concluent les chercheurs.
Chez les enfants atteints de cette forme de GEM, une alimentation sans lait de vache pourrait être bénéfique, encore que cela reste à déterminer. De façon plus générale, les observations des chercheurs de l’INserm conduisent à se demander si d’autres antigènes alimentaires ne pourraient pas être impliqués dans le déclenchement de la glomérulonéphrite extramembraneuse du jeune enfant.
Debiec et coll. New England Journal of Medicine, 2 juin 2011, pp. 2101 et 2158.
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