EN MARS 2006, à l'occasion du cinquantième anniversaire du Planning familial, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, avait annoncé la reprise de la campagne nationale de communication sur la contraception. Elle devrait avoir lieu à la rentrée prochaine. En amont, l'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) a souhaité faire le point des connaissances des Français sur le sujet, en s'appuyant sur le Baromètre santé 2005 et sur une étude qu'il a réalisée en février dernier auprès de 2 004 personnes.
Premier constat : les Français se déclarent satisfaits (95 %) et même très satisfaits (79 %) des moyens contraceptifs qu'ils utilisent. L'offre contraceptive s'est diversifiée, même si la pilule conserve une place prédominante (à tout âge). Le préservatif, lui, est tout de même moins connu des femmes plus âgées. Il a détrôné la pilule pour les tout premiers rapports sexuels, provoquant un petit décalage dans le temps pour l'usage de celle-ci, que l'on n'utilise plus dès le début (d'une relation amoureuse et sexuelle). Il est encore considéré comme un moyen contraignant.
Les plus jeunes n'ignorent pas la contraception d'urgence, mais leurs réponses sur ses conditions d'usage sont très imprécises. «Très peu, par exemple, ont pu citer le délai d'efficacité de 72heures», explique Philippe Lamoureux, directeur général de l'Inpes. La pose d'implants (sous la peau du bras) est connue de 55 % des femmes de 15 à 75 ans, mais seulement d'un tiers des hommes de la même tranche d'âge, ce qui indique, précise M. Lamoureux, «une faible diffusion d'information autour de ce moyen contraceptif en dehors de la presse féminine».
Comme pour la contraception d'urgence, le gradient social est capital, les taux de connaissance pouvant passer du simple au double.
Seulement 22 % savent que la durée d'effet du patch contraceptif (à se coller soi-même sur la peau une fois par semaine, à renouveler chaque semaine pendant trois semaines) est de deux semaines. Quant à l'anneau vaginal, si la moitié des Français en ont entendu parler, 9 % seulement ont répondu correctement à la question sur sa durée d'action (neuf semaines).
«La France est donc un pays où la contraception est largement répandue. Nous pourrions nous en vanter. Et pourtant, à un second degré de lecture, on constate que le nombre d'IVG reste stable à un niveau élevé (un peu plus de 200000 par an) et tend même à augmenter dans certaines tranches d'âge», regrette Philippe Lamoureux.
Le double paradoxe français.
Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm, parle même de double paradoxe, car le taux français d'IVG est élevé même par rapport aux autres chiffres européens. «Nous avons atteint un moment charnière, estime-t-elle, puisque c'est la première fois que toutes les femmes qui ont aujourd'hui une sexualité ont commencé leur vie sexuelle en ayant à leur disposition un moyen de contraception.»
Seulement 3 % des femmes qui ont recours à l'IVG n'ont pas utilisé un moyen de contraception. Une femme sur deux utilisait un moyen de contraception théoriquement efficace (parmi elles, 23 % étaient sous pilule). «Cela dénote une grande différence entre l'efficacité théorique des méthodes testées in vivo et leur application dans la vie pratique. Les femmes qui ont des rythmes de vie fondés sur des horaires de travail lourds ou changeants ou bien ces jeunes mamans dont le bébé de trois mois les réveille encore la nuit ont plus de risques d'oublier leur pilule.» Les IVG surviennent beaucoup lors de changements de la situation affective et/ou sexuelle des femmes. «En effet, une femme sur deux qui ont eu recours à une IVG venait de changer de méthode contraceptive dans les six mois précédents.»
Quarante pour cent des femmes subiront une IVG une fois au cours de leur vie reproductive, assure la directrice de recherche. «Les enjeux d'une campagne d'information sont toujours les mêmes, à savoir la réduction des inégalités sociales à l'accès à la contraception médicalisée, notamment. Mais je crois qu'il faudrait aussi développer une approche globale d'éducation à la sexualité qui, d'abord et avant tout, la resitue dans des enjeux de plaisir et de respect (tout le monde a le droit de dire non), puis de contraception, d'IVG… jusqu'aux IST et aux violences. Je suis sidérée qu'il n'y ait encore que deux heures d'information sur la sexualité prévue en classe de troisième.»
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