C’EST PARTIR BIEN TÔT pour une échéance à onze mois. Les Français n’en sont pas surpris parce que, secoués par une conjoncture durablement déplaisante, ils réclament un gouvernement capable de les sortir de l’ornière, et le plus tôt sera le mieux.
Par ailleurs, Mme Royal a compris que, si elle voulait se démarquer du lot des candidats socialistes, elle devait s’exprimer sans attendre et montrer sa différence.
Elle a réussi cette entrée dans le jeu, et n’a pas manqué de surprendre, par sa cote de popularité et ses effets oratoires, les « éléphants » de son parti et les dirigeants de la majorité, quelque peu soufflés par son aplomb. M. Sarkozy la traite par la dérision, en la remerciant de venir le chercher sur son terrain et, aussi sec, le voilà qui, en dressant un bilan très mitigé de sa propre action sécuritaire, réclame quelques mesures assez sévères pour effrayer Mme Royal elle-même. A répressif, répressif et demi, semble-t-il dire à son adversaire, comme si, dans la course contre la violence, il espère aller si vite qu’elle ne pourra jamais le rejoindre. Le ministre de l’Intérieur devrait cependant se montrer plus prudent : il a lancé contre le tribunal de Bobigny, trop laxiste à ses yeux, des accusations que la réalité des faits ne corrobore pas. Les magistrats ont dénoncé son ingérence dans les affaires de la justice, à propos d’une affaire qui ne semble pas exister vraiment.
Le sprint de Ségolène.
De son côté, Mme Royal a compris, même si sa campagne ressemble plus à un 100 mètres qu’à un marathon, qu’elle devait observer certaines règles si elle ne voulait pas être, d’emblée, rayée de la liste des présidentiables socialistes. Elle a donc accepté sans broncher le projet électoral de son parti qui, d’une part n’inclut pas les propositions les plus provocatrices qu’elle a faites récemment (comme l’encadrement des délinquants par les militaires) et, d’autre part, contient des dispositions, comme la renationalisation de certaines entreprises, le Smic à 1 500 euros, l’abolition de la loi Fillon sur les retraites (et son remplacement par un autre dispositif), la CSG progressive fondue avec l’impôt sur le revenu, qui s’inspirent plus du socialisme de papa que de la social-démocratie à la Blair. Or le « blairisme » est une référence pour Ségolène Royal. Bien entendu, elle a fait le bon choix tactique : une résistance immédiate aux socialistes les plus radicaux risquait de briser net son élan. Non seulement elle ne peut pas renoncer dès maintenant à l’investiture du parti, mais elle ne s’est pas non plus transformée du jour au lendemain en fanatique du libéralisme. Et elle peut assumer une grande partie du projet socialiste. En réalité, ce n’est qu’en novembre prochain, et probablement en fonction de sa cote de popularité, qu’elle saura si le PS se résigne à la désigner candidate. Et, s’il ne le fait pas, il n’est pas exclu qu’elle se présente pour son compte.
Il demeure une logique dans sa démarche, qui consiste à s’adresser directement à la population en passant au-dessus de l’appareil du PS ; et il ne s’écoulera pas une semaine avant qu’elle ne se livre à de nouveaux effets d’annonce, ceux-là même qui lui assurent une présence permanente dans les médias et une avance sur ses concurrents, déclarés ou non.
Une surenchère.
Elle ne peut pas attendre qu’ils montent dans les sondages, pas plus qu’elle ne peut laisser le terrain à M. Sarkozy qui, pour avoir été pris de court par l’irruption brutale de Mme Royal au sommet de la scène politique et s’être laissé distancer de dix points dans les sondages, entend maintenant récupérer l’avance qu’il avait momentanément acquise. Cela a donné une belle surenchère sur la lutte contre la violence, non dépourvue de quelques incohérences, comme l’asile accordé à 800 familles, grand geste humanitaire du ministre de l’Intérieur, aussitôt suivi d’un fracas à propos de la délinquance qui devrait être traitée, si l’on entend bien M. Sarkozy, par des mesures comparables à celles d’un état d’urgence.
LE REPLI TACTIQUE DE MME ROYAL NE GARANTIT PAS SON RESPECT DU PROJET SOCIALISTEL’un et l’autre, en définitive, sont excellents pour brouiller les lignes ; l’un et l’autre sont habités par une froide ferveur qui sert la même ambition ; l’un et l’autre croient plus à leur relation avec le peuple qu’à leurs rapports avec le parti, même si M. Sarkozy possède un gros avantage : l’UMP lui appartient déjà et fera ce qu’il lui dira, parce qu’il est le seul à empêcher, éventuellement, la déroute des députés de la majorité aux élections législatives de l’an prochain.
De sorte que, pour le moment, le tableau politique est à la fois mobile et figé. Mobile, parce que les prises de position ne manquent pas ; figé, parce qu’on en viendrait presque à croire que, d’ici au printemps prochain, ce sera la même chose : Ségolène contre Nicolas, et personne d’autre.
Qui va payer ?
François Hollande indique que le projet socialiste va coûter une cinquantaine de milliards. C’est donc qu’il a un prix et que le PS semble envisager un accroissement du déficit budgétaire. Non sans quelque légèreté, MM. Hollande et Strauss-Kahn misent sur la croissance pour payer en partie leur ambitieux programme. Encore faut-il qu’elle soit assurément au rendez-vous, ce qui est rarement le cas, la France est payée pour le savoir.
En revanche, ils ne parlent pas des déficits publics et de la dette, dont il serait souhaitable que nous remboursions une partie avec les fruits de la croissance. Il est probable que des socialistes au pouvoir réclameraient aussitôt un droit d’inventaire, assurés qu’ils sont de trouver un calamiteux état des finances nationales. Il est encore plus probable que la gauche au pouvoir financera son programme social avec une forte hausse de la fiscalité. Bref, on va tout faire à l’envers de la droite, ce qui non seulement n’est pas judicieux, mais contient le risque d’un étranglement de l’économie française par des impôts trop lourds, dans un pays où 45 % de la production nationale financent déjà les prélèvements obligatoires.
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