Rebelles
Mme G., 44 ans, est admise aux urgences pour des lombalgies rebelles, accompagnées de sciatalgies gauches. Ces douleurs perdurent depuis une dizaine de jours. Elles sont continues, non calmées par le repos et difficilement atténuées par les antalgiques.
Dans les antécédents de Mme G., on note un cholestéatome de l'oreille gauche, une cholécystectomie et un syndrome dépressif.
L'examen clinique, délicat à cause de la douleur, n'apporte rien de plus.
Le bilan biologique met en évidence un syndrome inflammatoire, avec une CRP à 148 mg/l. Il existe une hyperleucocytose à 16 500 blancs et 87 % de PNN.
La patiente a toujours été apyrétique. Cependant, le soir de son admission apparaît un pic fébrile à 39 °C, isolé.
Les radiographies du rachis lombaire amenées par la patiente sont strictement normales.
D'emblée, cette lombosciatique fébrile, avec un syndrome inflammatoire, et une polynucléose marquée, nous oriente vers une atteinte infectieuse du rachis lombaire.
Des hémocultures sont réalisées, ainsi qu'un ECB des urines, un prélèvement de gorge. Les urines sont stériles, les trois hémocultures et le prélèvement de gorge sont positifs à Staphylocoque aureus.
L'anamnèse, à la recherche d'une porte d'entrée, découvre un antécédent relativement récent de brûlures des jambes ; brûlures liées à une projection de liquide en nettoyant un four environ trois semaines auparavant. La guérison de ces lésions ayant été longue à obtenir.
IRM lombaire
Un examen IRM lombaire est rapidement réalisé.
Cet examen confirme la suspicion clinique en montrant un aspect pathologique du massif articulaire postérieur L3-L4 gauche. Les coupes axiales et sagittales en T1 après injection révèlent une collection du carré des lombes et du psoas iliaque gauche.
Il existe aussi une collection épidurale satellite de l'articulaire postérieure se prolongeant jusqu'à hauteur de la vertèbre S1.
La prise de contraste du fourreau dural et des gaines radiculaires en L5 est évocateur d'une méningoradiculite.
Ponction
Une ponction sous scanner est réalisée : elle ramène 4 cm3 de pus franc, l'examen bactériologique retrouve le même staphylocoque doré. La ponction ne soulage que très partiellement la patiente. A noter qu'elle est toujours apyrétique.
Intervention
L'antibiothérapie antistaphylococcique ne peut suffire ; l'indication chirurgicale est donc impérative. Cette intervention a lieu cinq jours après l'admission.
Le compte rendu opératoire précise : «Incision médiane entre L2 et S1: pus du côté gauche à hauteur de L2, laminarthrectomie de L3, L4-5 permettant de retrouver une collection dure, face postéro-latérale gauche compressive... Evacuation d'une collection puriforme sur la face antérieure du fourreau dural, allant de L3 jusqu'à S1.»
Le résultat chirurgical est excellent. La bactériologie retrouvera du staphylocoque doré.
Mme G. est traitée par rifamicine pendant 4 mois, associée à de la lévofloxacine les premiers temps.
La guérison s'est faite sans aucune séquelle neurologique et des lombalgies résiduelles minimes. Le contrôle IRM réalisé deux mois plus tard ne retrouve aucune collection résiduelle.
Commentaires
Cette atteinte infectieuse d'une articulation interapophysaire du rachis lombaire est l'équivalent d'une spondylodiscite staphylococcique. La mise en évidence d'un abcès épidural compressif impliquait un geste chirurgical rapide.
L'atteinte la plus fréquemment observée est celle du disque intervertébral et des corps vertébraux adjacents.
La porte d'entrée n'est pas toujours retrouvée dans ces situations. Souvent cutanée, elle peut être urinaire, stomatologique, ORL ou même nosocomiale, consécutive à un geste invasif (endoscopie ou chirurgie).
La localisation rachidienne la plus fréquente est lombosacrée, mais tous les segments rachidiens peuvent être touchés.
Le germe le plus souvent rencontré est le staphylocoque doré, mais un certain nombre d'atteintes sont liées à des germes Gram – comme le colibacille, une Klebsiella, voire une salmonelle. Il faut toujours envisager la possibilité d'une brucellose et, bien sûr, d'une tuberculose (mal de Pott).
La découverte d'une atteinte infectieuse rachidienne doit donc conduire à une recherche étiologique très poussée destinée à identifier le germe en cause. Cela n'est pas toujours possible.
Le diagnostic positif repose sur l'existence d'un tableau infectieux, clinique et biologique, la radiographie ne se modifie que tardivement dans les formes évoluées, et les images peuvent manquer de spécificité. Le scanner peut montrer des lésions plus précocement que la radiographie standard, mais l'examen de choix est l'imagerie par résonance magnétique (IRM), avec injection de gadolinium en T1.
Le traitement est le plus souvent médical et orthopédique : antibiothérapie antistaphylococcique, par voie I.V. initialement (trois semaines), puis par voie orale de manière prolongée (deux mois) ; l'immobilisation orthopédique du segment concerné est indispensable. Il y a finalement peu de place pour la chirurgie... Dans notre cas, la constitution de cet abcès épidural imposait d'intervenir, ce qui n'est pas le cas dans la plupart des atteintes somatodiscales.
Réf. : Les infections du rachis, C. Manelfe, L. Berry, hôpital Purpan, Toulouse. Pathologie de l'appareil locomoteur, rhumatologie, Pr Olivier Meyer.
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