DANS UN CONTEXTE de pénurie, l'offre de soins s'organise petit à petit, en particulier depuis la mise en place du premier plan Alzheimer en 2001. L'association Lions Alzheimer, issue des Lions Clubs de France, apporte sa pierre à l'édifice en favorisant depuis 1995 la création de centres d'accueil de jour (CAJ), une centaine en dix ans. « Le CAJ est là pour soulager les familles, resociabiliser le malade et retarder l'institutionnalisation », explique le Dr René Sliosberg, président de Lions Alzheimer.
Soulager les familles.
« C'est une maladie que la médecine ne peut pas prendre en charge toute seule, a rappelé le Pr Jean-François Girard, coauteur d'un rapport publié en septembre 2000 sur la maladie d'Alzheimer ; il n'y a nulle autre situation médicale où l'entourage est aussi impliqué. » Selon les estimations du Pr Bruno Dubois, directeur du centre mémoire de ressources et de recherche (Cmrr) Ile-de-France, le temps quotidien consacré aux patients par leurs proches représente « un temps moyen d'astreinte de 10 heures par jour, au prix d'une comorbidité qu'on connaît maintenant ». Avec « 70 % des patients pris en charge au domicile », le Pr Dubois considère l'implication « héroïque » des familles comme « une chance fantastique pour notre système de santé, une chance pour les patients - c'est plus confortable, pour la société - c'est plus économique. Mais n'est pas une chance pour les gens qui se consacrent aux patients... » D'où l'intérêt de développer des structures de répit qui permettent de soulager les proches et de retarder l'institutionnalisation en accueillant les malades un ou deux jours par semaine.
Bernadette Thomas, fille d'une patiente, raconte son « soulagement d'être écoutés et entendus, dans notre souffrance de vivre avec ma mère ». De plus, l'accueil de jour est un premier pas vers une acceptation de l'institutionnalisation à venir : « Je savais que j'avais fait tout ce que je pouvais et qu'elle avait eu au moins une année de bonheur », estime Mme Thomas. L'accueil de jour a été une étape pour que j'accepte ne pas être la seule à m'occuper de ma mère. » Même si, conclut-elle, « de toute façon la décision est très difficile à prendre ».
En effet, la culpabilité règne en maître parmi les proches, au point que le Dr Sliosberg parle d'une « espèce d'amour presque pathologique dans les couples, très difficile à gérer », tandis qu'une « fois que la famille sait que son malade peut être pris en charge par d'autres, c'est un soulagement ».
Imprécisions et dissensions.
Pour autant, le nombre de structures manque et leur qualité est inégale. Les représentants de Lions Alzheimer mettent l'accent sur la spécificité du centre d'accueil de jour, « une entité à part, et non ce qu'on appelle des "places d'accueil de jour" dans une maison de retraite ». Cette différence expliquerait la diversité des chiffres disponibles, variant de 260 à 400 accueils de jour en France suivant les sources. De plus, les CAJ ne trouvent leur utilité que dans une fenêtre de temps entre deux stades de la maladie : avant, le malade est suffisamment autonome ; après, il ne l'est plus assez. Pour cette raison, souligne le D Sliosberg, « les coefficients de remplissage sont variables, ce que les pouvoirs publics ne veulent pas comprendre, ni les directeurs d'hôpitaux. On n'est pas dans la rééducation d'apprentissage, mais dans l'extraction de ce qui peut encore être extrait », précise-t-il. La problématique de l'accueil de jour met ainsi en lumière les dissensions qui existent sur les modalités de la prise en charge et sur les moyens d'y parvenir : frictions entre associations, entre partisans du bénévolat et défenseurs du tout-professionnel, entre militants et administratifs. « Nous sommes des gens de terrain, pas des philosophes », résume le président de Lions Alzheimer, en fustigeant les collègues qui rejettent l'idée d'une structure tenue par des bénévoles, ou les lourdeurs réglementaires qui ont fait passer de deux à quatre ans, selon lui, le temps de création d'un centre.
Autre sujet délicat : le prix de journée, qui varie en fonction des ressources et du degré d'atteinte, dans le cadre de conventions tripartites entre les gestionnaires, la Ddass et le conseil général. Au final, « rien n'est plus variable », estime le Dr Sliosberg. Même le transport des patients est un problème : tandis que certains défendent la nécessité d'impliquer les familles pour assurer les transmissions, d'autres s'indignent que le trajet en taxi puisse coûter autant que la journée d'accueil.
Il faudra pourtant trouver des terrains d'entente, dans la mesure où la maladie progresse à grands pas. « La maladie d'Alzheimer est une maladie de la personne âgée, mais c'est d'abord une maladie du cerveau », explique le Pr Dubois qui, en recoupant les statistiques, évalue dans la population générale à 40 % la proportion de personnes de 50 ans présentant déjà - le plus souvent sans le savoir - des lésions.
* Tél. : 01.47.82.89.01, www.lions-france.org
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