Le Temps de la Médecine : Habillés pour la santé
Dès 1969, des cliniciens britanniques rapportaient dans le « Lancet » que la blouse des infirmières pouvait représenter un moyen de transmission des infections nosocomiales, et en particulier celles liées à Staphylococcus aureus. Depuis cette date, près d'une dizaine de publications ont traité de ce sujet, et il semblerait que les équipes soignantes prennent maintenant conscience du danger potentiel de contamination en rapport avec les tenues de travail et, plus généralement, par l'ensemble des tissus susceptibles d'entrer en contact avec les patients.
Or, depuis une dizaine d'années, des tissus bactériostatiques fiables, résistant à des lavages à très haute température et suffisamment souples pour être utilisés dans la fabrication de tenues pour les soignants, ont été mis au point par différents fabricants. Une équipe de chercheurs lyonnais (centre Léon-Bérard, institut des sciences biologiques et pharmaceutiques, hôpital d'instruction des armées Desgenettes) a mis en place une étude sur l'intérêt des tenues en textile bactériostatique chez des soignants choisis dans deux services à fort risque de contamination bactérienne nosocomiale : la chirurgie - il s'agissait, dans l'étude, d'un service de chirurgie cancérologique regroupant des patients opérés de cancers ORL ou digestifs - et la réanimation.
Moitié traitée, moitié témoin
Chaque tenue testée était composée d'une moitié réalisée en fibre bactiSTOP SV 190, alors que l'autre moitié était fabriquée dans le textile habituel. Stérilisées et conditionnées, toutes les blouses n'ont été utilisées qu'une seule fois. Chaque soignant a porté au cours d'une période de travail déterminée (douze heures consécutives en réanimation et huit heures en chirurgie) les deux différents types de blouses qui avaient été fabriquées : partie BactiSTOP à droite ou à gauche, chacune des tenues étant considérée comme son propre témoin. Des prélèvements bactériologiques ont été effectués sur les deux parties des tenues, et ils ont été mis en culture durant trois jours sur des milieux non spécifiques.
« En moyenne, la charge bactérienne pour 25 cm2 était de 60+/-56 dans le groupe témoin en chirurgie (une infirmière pour huit patients) et de 46+/-33 dans le groupe traité (p = 0,057) ; de 65+/-69 dans le groupe témoin en réanimation (une infirmière pour trois patients) et de 40+/-34 dans le groupe traité », explique au « Quotidien » le Dr Bernard Coronel. En outre, l'efficacité du textile bactéricide s'est révélée supérieure lorsque le taux de portage bactérien est le plus élevé (- 50 % lorsque la CFU - Colony Formation Unity - est supérieure à 75/25 cm2 et - 20 % lorsqu'elle est soit comprise entre 25 et 50/25 cm2 ou entre 50 et 75/25 cm2).
Pour le Dr Coronel, « cette technologie pourrait trouver des indications dans différents domaines médicaux : tenues du personnel médical (y compris au bloc opératoire et dans les unités de soins intensifs) ou draps des patients. Mais ils pourraient aussi être utilisés dans d'autres contextes où il y a un risque de transmission bactérien par le biais des textiles : hôtellerie, thermalisme, collectivités, etc. ».
Dans ce contexte, une équipe de l'institut des sciences biologiques et pharmaceutiques, dirigée par le Dr François Renaud, travaille à la mise en place de normes pour les tissus bactéricides dans le milieu hospitalier. Une étude est d'ailleurs actuellement en cours sur l'intérêt de l'utilisation des draps bactériostatiques.
Coronel B. et coll. Bacterial Contamination of Health Care Workers : Utility of Bacteriostatic Textile. ICAAC 2003.
Speers R. et coll. Contamination of Nurses' Uniforms with Staphylococcus aureus. « Lancet » 1969 ; 2 (7614) : 233-235.
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