D ERRIERE l'apparente simplicité des trois lettres S (sensible), I (intermédiaire) et R (résistant), qui expriment les résultats d'un antibiogramme en termes immédiatement compréhensibles pour le praticien, se dissimule un haut niveau de complexité, qui n'a fait que s'accroître ces trente dernières années. Il doit en effet intégrer les connaissances biochimiques, génétiques et épidémiologiques concernant une centaine d'espèces bactériennes, autant d'antibiotiques et plus de 80 mécanismes de résistance, en augmentation constante.
L'antibiogramme a suivi cette évolution, explique Jean-Pierre Marcel (BioMérieux, Paris). Une première génération testait de 6 à 16 antibiotiques sur la bactérie isolée, avec des préoccupations essentiellement techniques. Une seconde mettait l'accent sur l'interprétation de résultats de plus en plus complets par un biologiste « dévoué à plein temps » ou un système expert. La génération actuelle, comme le système Vitek 2 de BioMérieux, fait intervenir une base de données informatique, comparant tous les résultats connus avec ceux qui sont identifiés sur la bactérie testée. « Il s'agit quand même d'un test prédictif, qui n'est pas fiable à 100 % : la clinique doit toujours avoir le dernier mot ». Mais qui oserait aujourd'hui se passer d'un tel outil pour lutter contre l'extraordinaire plasticité des germes ?
Préciser les mécanismes
La nouvelle génération d'antibiogrammes ne se contente pas d'identifier des résistances, elle en précise les mécanismes. Pour le Dr Rafael Canton (Madrid), c'est ce qui importe dans une situation extrêmement mouvante, où les paramètres bougent rapidement : évolution des résistances suivant les politiques sanitaires, acquisition de plusieurs mécanismes de résistance par une même bactérie, émergence de nouveaux mécanismes, etc.
La combinaison des résultats obtenus par plusieurs antibiotiques sur la bactérie isolée détermine le phénotype de celle-ci pour l'antibiothérapie. « Ce phénotype permet d'identifier ses mécanismes de résistance », explique le Dr David Livermore (Londres), pourvu qu'il soit décrit en utilisant les courbes de sensibilité de cette bactérie à des dilutions variables des antibiotiques. C'est l'allure globale de ces courbes qui importe, parce qu'elle peut révéler, par exemple, la présence de souches résistantes en nombre insuffisant pour être détectées directement. Comme le souligne le Dr Philippe Moreillon (Lausanne), les valeurs critiques qui permettent d'attribuer une lettre S, I ou R sont bien souvent le fruit d'un accord d'experts à partir de très nombreuses données pharmacocinétiques, cliniques et épidémiologiques. L'expression de ces valeurs peut être insuffisante.
En définitive, le praticien obtient aujourd'hui bien plus que la réponse à sa question de départ : le germe isolé chez mon patient est-il ou non sensible ? Il dispose d'un tableau anticipant avec une très bonne précision le comportement de ce germe vis-à-vis de l'antibiothérapie, voire de ses évolutions probables. « Il a tout intérêt à lire les recommandations de son biologiste », souligne Jean-Pierre Marcel.
Et dans l'avenir ? La quatrième génération d'antibiogramme sera fondée sur les techniques génétiques, prédit Patrice Courvalin (Institut Pasteur, Paris). Grâce à elles, il sera possible de savoir si tel ou tel gène de résistance est présent dans la bactérie isolée. « Elle permettra donc encore mieux d'éviter des thérapeutiques inadaptées ». Mais elle aura ses limites, dont celles de ne pouvoir raisonner qu'à partir du déjà connu. Ce qui n'est déjà pas si mal.
Symposium organisé par les Laboratoires BioMérieux : « Identifying resistance ». Onzième ECCMID (Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses). Istanbul, le 3 avril 2001.
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