De notre correspondante
à New York
SI UNE REGULATION anormale de la sérotonine (5-HT) dans le cortex préfrontal est mise en cause dans plusieurs troubles psychiatriques, on ne sait pas bien quel rôle précis joue ce neurotransmetteur dans cette région préfrontale.
Deux approches ont, jusqu'ici, été suivies pour étudier les effets de la sérotonine centrale sur le comportement et la cognition : d'une part, la déplétion alimentaire en tryptophane chez l'homme ; d'autre part, la destruction des projections sérotoninergiques ascendantes chez l'animal (par la neurotoxine 5,7-DHT). Aucune de ces approches ne permet de distinguer les rôles de la sérotonine dans des structures distinctes du cerveau antérieur.
Une équipe britannique de l'université de Cambridge a étudié pour la première fois l'effet de la déplétion préfrontale sélective de la sérotonine chez le singe (déplétion induite par injections locales de 5,7-DHT et confirmée sélective pour le cortex préfrontal). Leur étude est publiée dans la revue « Science ».
Les chercheurs ont entraîné les singes, avant l'opération induisant la déplétion sérotoninergique, à un test de discrimination visuelle faisant intervenir deux choix de formes, dont l'un est systématiquement récompensé. Après l'opération, les singes ont été testés à nouveau, d'abord sur la rétention de la discrimination apprise avant l'opération, puis sur l'acquisition d'une nouvelle discrimination, enfin sur l'inversion de cette discrimination (inversion du choix récompensé).
Le constat est intéressant. Les singes déficients en sérotonine préfrontale sont capables de se souvenir d'une discrimination visuelle apprise avant l'opération et peuvent apprendre une nouvelle discrimination. En revanche, ils tendent à rester fixés sur la forme précédemment récompensée et ont du mal à apprendre à inverser le choix (erreurs de persévérance).
Incapables d'abandonner leurs vieilles habitudes.
« Les résultats de cette étude démontrent que, en l'absence de sérotonine préfrontale, les animaux sont incapables d'abandonner leurs vieilles habitudes », commente, dans un communiqué, le Dr Roberts, qui a dirigé ces travaux.
« Ces résultats soulignent l'importance de la sérotonine préfrontale dans la flexibilité comportementale », concluent les chercheurs.
Ainsi, la dysfonction sérotoninergique préfrontale pourrait contribuer spécifiquement à la rigidité cognitive que l'on observe dans plusieurs troubles psychiatriques, ajoutent-ils.
Tel, par exemple, le trouble obsessionnel compulsif. Ce trouble dont la fréquence, longtemps sous-estimée, est en fait plus élevée que la schizophrénie et le trouble bipolaire et affecte environ 2 à 3 % des Américains. Chez ces patients, la répétition des pensées et des comportements domine et peut perturber considérablement leurs activités quotidiennes ; ils ont également un déficit de l'apprentissage inverse.
La voie de traitements.
« Le trouble obsessionnel compulsif résulterait en partie d'un déséquilibre chimique dans ces régions du cerveau ; mais personne n'avait jusqu'ici apporté une preuve aussi claire de la base neurochimique de ce type de comportement répétitif », souligne le Dr Roberts. « Ces résultats ont des répercussions pour le traitement du trouble obsessionnel compulsif, en plaidant pour des médicaments qui stimulent la fonction 5-HT dans le cerveau. »
D'autres troubles sont concernés, comme la schizophrénie et les séquelles cognitives d'abus de drogues (cocaïne), dans lesquels la persévérance domine avec un déficit d'apprentissage inverse.
« Science », 7 mai 2004, p. 878.
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