« LA MALADIE d'Alzheimer ? On ne connaît pas la cause, pas l'évolution, pas le traitement, on n'a même pas de diagnostic de certitude », résume le Pr Bruno Dubois, directeur de l'unité Inserm U610, directeur du Cmmr (centre mémoire de ressources et de recherches) Ile-de-France et président du comité scientifique de l'Ifrad. Cette association créée en 2003 est devenue en 2005 l'International Foundation for Research on Alzheimer Disease, elle-même abritée par la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Une transformation accompagnée de nouvelles ambitions : doter la recherche des moyens nécessaires pour traquer toutes les informations possibles sur une maladie qui touche plus de 800 000 patients en France, mais demeure une énigme médicale et un très sérieux problème social.
Un « énorme projet de connaissance ».
En route, donc, pour un centre national d'information et de recherche sur la maladie d'Alzheimer, le Cnir-MA, qui constituera une banque nationale de données cliniques, biologiques, cognitives, de neuro-imagerie et d'histologie post-mortem. Les patients inclus s'engageront notamment à faire don de leur cerveau, ce qui permettra de travailler à partir d'un diagnostic fiable de la maladie. Selon le Pr Dubois, il s'agit de « construire un énorme projet de connaissance » qui s'articulera en quatre étapes. Première phase : un réseau national constitué des 6 centres participants (Bordeaux, Toulouse, Marseille, Montpellier, Nice, Paris - qui seront bientôt rejoints par Nantes et Saint-Etienne) sera chargé de l'inclusion des patients. « Chaque centre s'est engagé à recruter deux patients par mois, explique le Pr Dubois ; en échange, l'Ifrad rémunère un attaché de recherche clinique par centre, dédié à cette mission. »
Deuxième phase : les données seront collectées au sein d'un dossier informatisé créé pour l'occasion. Baptisé Caliope, le dossier a reçu les autorisations de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) en mai dernier et entre dans sa phase active. « Pour le moment, il fonctionne comme un registre, mais il est déjà utile pour le soin », estime le Pr Philippe Robert, directeur du Cmrr, du CHU de Nice et chargé du projet. « Les données devraient être transférables » vers un futur DMP.
Dans un troisième temps, la création d'un centre de ressources biologiques devrait permettre, selon ses promoteurs, le lancement d'une « banque tissulaire Alzheimer » à partir des prélèvements (notamment issus du don de cerveaux). Ce centre devrait être inauguré en février 2005 à la Salpêtrière (Paris), dans des locaux mis à disposition par l'AP-HP. Il bénéficierait ainsi de la proximité des chercheurs de l'Institut du cerveau et de la moelle (ICM). La dernière étape consistera à rassembler et traiter les données recueillies. A ce jour, une dizaine de patients sont déjà inclus : la file active devrait être stoppée à 850 patients, puis le recrutement se ferait « pour compenser les sorties ».
Des incertitudes demeurent.
Une telle manne de données, sur un sujet aussi essentiel à la fois en termes de recherche et de santé publique, n'a pas laissé indifférents les financeurs, qui se sont bousculés au portillon. Cependant, des questions demeurent sur les modalités d'acquisition et d'exploitation des données. « Du point de vue le la recherche pure, il est très intéressant d'avoir des personnes en tout début de maladie et des personnes plus évoluées dans la pathologie », explique le Pr Robert. Seul hic : comment obtenir le « consentement écrit pour un prélèvement post-mortem » de patients atteints de la maladie d'Alzheimer, de démence vasculaire ou de toute autre démence, à partir d'un certain stade d'évolution ? « On a résolu le problème via la personne de confiance », explique le Pr Dubois, qui admet la réalité du questionnement éthique, d'autant que ces patients seront probablement inclus dans des essais cliniques. Un laboratoire international aurait déjà entamé des négociations pour un essai de vaccin. Quant aux données récoltées, elles seront accessibles aux membres du réseau, tandis qu'un comité sera constitué « pour définir une extension possible de l'accès » aux données cliniques, dont l'intérêt croîtra avec le temps puisqu'il permettra de définir des profils de patients, des facteurs de risque, etc. « Le comité scientifique fera des appels d'offres, on pourra peut-être même financer des bourses ou des projets de recherche », estime le Pr Dubois.
Pour autant, la question de la propriété des données, en particulier post-mortem, ne semble pas résolue. Ces incertitudes devront rapidement être levées, car s'il n'existe, comme l'assurent les promoteurs, aucun projet de cette envergure à l'international, un tel trésor d'informations pourrait exciter bien des convoitises.
Des visées ambitieuses
Selon le Dr Olivier de Ladoucette, psychiatre, gérontologue et président-fondateur de la fondation Ifrad, « l'année dernière, nous sommes partis de 0 euro en caisse et on est arrivés à 700 000 euros quelques mois après le gala ». La fondation organisera le 14 novembre 2005 un deuxième gala destiné à attirer les donateurs, en particulier « les grandes entreprises, les subventions publiques et le mécénat », pour éviter le chevauchement avec les campagnes de proximité destinées à financer l'association France Alzheimer. De nombreux « peoples » devraient être présents. Ils assisteront notamment à une vente aux enchères du tableau de Ben, « Oublions d'oublier ».
Renseignements : Colette Ganem, tél. 06.19.71.00.36, fax 01.45.51.62.65, ifrad2003@hotmail.com, www.fondationalzheimer.com.
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