AVANT LA CRÉATION de la banque marseillaise, il existait plusieurs collections d’agents infectieux « dangereux » dans le monde, dont une en France, qui est privée (celle de l’Institut Pasteur), une collection européenne publique en Allemagne et en Suède, et une collection américaine, l’Atcc (American Type Culture Collection), qui comporte des souches bactériennes, mais aussi virales. Dans un rapport de mission sur le bioterrorisme rédigé à la demande des ministères de la Santé et de la Recherche à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le Pr Raoult fit un constat préoccupant pour les scientifiques : «Nous sommes dans une situation de dépendance complète actuellement à l’égard de l’Atcc.» Le gouvernement américain pouvait effectivement décider du jour au lendemain que toutes les souches suspectes d’être utilisées à des fins de bioterrorisme n’étaient plus transférables, fermant ainsi totalement l’accès aux chercheurs du monde entier. Or il n’y avait pas de virothèque autre que l’Atcc, et les souchiers européens comprenaient uniquement des micro-organismes poussant sans support cellulaire. En outre, l’utilisation de la collection de l’Institut Pasteur était assortie d’une condition – logique pour un privé –, à savoir se référer à lui pour toute publication ou tout brevet.
Les dangers du monopole.
L’absence de collection nationale non privée était devenue un problème extrêmement difficile, explique au « Quotidien » le Pr Raoult, car «pour faire reconnaître les nouvelles bactéries isolées, nous devions avoir une collection scientifique disponible. Les taxonomistes s’étaient également rendu compte qu’il ne fallait pas compter sur une seule collection qui, contrairement à ce que l’on croyait, n’était pas pérenne.» D’où sa recommandation aux pouvoirs publics «de créer en France et, éventuellement, dans le cadre européen, une collection de souches de micro-organismes poussant en association avec les cellules (bactéries intracellulaires et virus) ».
La faculté de médecine de l’université de la Méditerranée est apparue comme le lieu idéal pour abriter une collection nationale et publique de ces micro-organismes. C’est, en effet, une équipe oeuvrant dans un de ses laboratoires qui a mis au point une technique d’isolement particulière de ces agents infectieux. On y trouve aujourd’hui la plus importante collection mondiale de bactéries intracellulaires strictes.
Cette partie bactériologique de la banque d’agents infectieux est d’ores et déjà fonctionnelle. «On est en train de préparer les bons de commande», confirme le Pr Raoult. En ce qui concerne la partie virologique, «elle est en cours de construction», souligne-t-il. Un retard dû à des problèmes d’affectation des locaux. Son responsable, le Pr Xavier de Lamballerie (unité des virus émergents), a réuni une énorme collection d’arbovirus provenant de deux collections, l’une britannique (Pr Gould, Oxford) et la seconde, américaine (Pr Shope, Galveston).
De nombreuses équipes ont déjà utilisé les souches gracieusement mises à leur disposition par cette banque nationale pour réaliser leurs travaux. «Toutes les nouvelles souches que nous avons décrites, soit une cinquantaine, ont fait l’objet de publications internationales», se félicite le Pr Raoult. Grâce à cette collection, des équipes de chercheurs français ont, par exemple, découvert et caractérisé le plus gros virus actuellement connu, le mimivirus (1), et ont décrit le mois dernier un nouveau variant du virus du chikungunya (2).
(1) Raoult D, Audic S, Robert C et coll. He 1.2-Megabase Genome Sequence of Mimivirus. « Science », 2004 ; 306 : 1344-1350.
(2) Parolla P, de Lamballerie X, Jourdan J et coll. Novel Chikungunya Virus Variant in Travellers Returning from Indian Ocean Islands Emerging Infectious Diseases, 2006 ; 12 : 1493-1497.
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